mercredi 21 août 2013

BOSQUE, Antonio Dal Masetto



Bosque est un gros village guère éloigné de Buenos Aires, dans lequel un hold-up a mal tourné, les quatre baltringues l'ayant commis se sont fait massacrer les uns après les autres par la population car on ne sort pas facilement de Bosque, seuls deux endroits permettent de le faire.
Que vient faire Muto, deux ans après, dans cet endroit avec lequel il n'a aucune attache, Antonio Dal Masetto, l'auteur de Bosque n'hésite pas à nous le faire savoir très vite, l'un des malfrats, le cerveau peut-être, a tourné la tête de sa femme et l'a emmenée, il y a de nombreuses années.
Pour obtenir tous les détails macabres sur la mort de celui qu'il considère encore comme son ennemi, Muto s'invente une mission de scénariste en reconnaissance pour le futur tournage d'un film sur le drame dans lequel les habitants joueront leur propre rôle. Et le moins qu'on puisse dire est que le procédé fonctionne. Grâce à Véronika la réceptionniste de l'hôtel, Varini l'avocat manipulateur, nous allons découvrir les dessous d'une société en apparence neutre et sans problème, semblable à n'importe quelle agglomération humaine, mais qui nage en dans les eaux troubles de la rancoeur, du désir et de l'ennui.
Ce Muto n'est pas particulièrement sympathique ou intelligent, c'est un homme perdu lui aussi, dont la vie semble en suspend depuis la trahison de sa femme que d'autres, depuis le temps, aurait déjà largement oubliée, mais Dal Masetto incline progressivement le lecteur vers l'inquiétude de son destin, alors que son personnage semble se prendre au jeu du scénariste qui attire regards et convoitises, et n'arrive plus à se décoller de ce village dans lequel on lui donne le sentiment d'exister. L'histoire est ponctuée par les apparitions d'une jeune motarde avec laquelle il n'entrera en contact qu'à la fin du livre.
Il nous est dit dans la postface de ce roman à l'atmosphère épaisse, que Bosque et sa population représentent un condensé de la société argentine dont Dal Masetto se sert pour montrer les cicatrices occasionnées par la dictature militaire sur les âmes.
Il me semble que ce que révèle cet auteur n'est rien d'autre que les zones d'ombre que portent au fond de l'esprit tous les humains de cette terre, quels que soient les évènements historiques et douloureux qu'ils aient pu traverser.
À lire...

Bosque aux éditions l'atinoir, en vente dans toutes les bonnes librairies.

samedi 1 juin 2013

PERDU D'AVANCE...

Pas mal de temps vient de s'écouler depuis mon dernier billet, je ne le mesure que maintenant, j'ai sans doute manqué de fraicheur pour trouver de bonnes occasions de partager mes enthousiasmes, il m'a fallu consacrer toute mon énergie à mon travail, mais il me tient à coeur de transmettre ici quelques interrogations suite à la manifestation contre la violence dans les quartiers à Marseille à laquelle j'ai participé cet après-midi.



J'avais été sensibilisé à l'organisation de cette manif par la lecture du blog du correspondant à Marseille du journal Libération, Olivier Bertrand. J'espérais une forte mobilisation de solidarité autour du collectif d'habitants des quartiers nord de Marseille, de la part de l'ensemble des citoyens de la ville, mais il faut le dire, cette attente fût déçue.

Guère plus de cinq cents personnes se massaient à l'heure dite au pied de l'escalier de la gare St Charles derrière une banderole où était inscrit : Sauvons nos enfants, les quartiers nord sont en danger, "vous nous avez oubliés". Quand on sait que plus de 400 000 personnes habitent cet immense territoire, il n'est pas tout à fait déplacé de constater que la mobilisation ne se montrait pas à la hauteur de l'attente.





Au-delà de l'appel solennel aux autorités lancé par une organisation au manque, touchant, de professionnalisme, de la présence discrète de quelques politiques de la région, les slogans entendus tournaient autour de la demande de moyens couvrant une grande partie du champ social : logements, formations, travail, le retour de l'état de droit, plein et entier, dans ces quartiers difficiles. On pouvait imaginer un discours sur la drogue et son fructueux traffic, le renforcement de la lutte contre ce fléau qui s'installe au coeur des familles et finit par leur déchirer le coeur, en vain.



J'ai quitté la manifestation avec la désagréable sensation que le combat était perdu d'avance, faute d'un nombre suffisant de combattants même si les organisateurs promettent de continuer, que les décideurs politiques adopteront une nouvelle fois l'ignoble tactique qui consiste à donner l'impression d'adhérer à la protestation, d'agiter au passage quelques hochets, puis de laisser pourrir sans n'avoir jamais fait de modification qu'à la marge des situations. Une délégation porteuse de 23 propositions devait être reçue à la préfecture à la fin du défilé.

Le compte-rendu de la manif que j'ai vu le soir au journal de TF1 donne la sensation qu'elle était plus importante qu'en réalité. Il semble que les journalistes aient tenté de faire gagner la bataille des images à ce collectif courageux qui propose aux citoyens des quartiers nord de prendre leur destinée en main et ce n'est peut-être pas si mal. Mais qui sait si cela ne participe pas d'une manipulation qui se retournerait contre les organisateurs, leur donnant un peu plus l'illusion d'avoir été entendus. Qui sait ?

En m'éloignant, alors que je prenais une dernière photo, un homme s'approche de moi et me tends la main avec le sourire, je devine qu'il me prend pour un journaliste avec mon gros appareil photo, ma caméra, il se présente, je reconnais le nom d'un responsable politique de la région, je lui fais part de ma déception que Marseille n'ait pas répondu à l'appel et mon scepticisme de voir les deux moitiés de la ville, le nord et le sud, se rejoindre de nouveau, nous avons tous bien trop la sensation que l'écart ne cesse de s'accroître, il me répond que jamais personne ne s'est occupé de ces quartiers à l'architecture inhumaine. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui rétorquer qu'ayant grandi dans un de ces quartiers, je peux témoigner que nous y vivions heureux jadis, et qu'au-delà des batiments, il fallait surtout réfléchir à la meilleure façon de recréer de la mixité sociale dans ces territoires. Tout en sachant très bien, au fond, qu'il est sans doute déjà trop tard...



jeudi 14 février 2013

J'AI TUÉ MAURICE THOREZ

                                 


Écrire oblige celui qui s'y applique à rassembler l'intégrité de son être. Il s'agit de donner sa juste vibration à chaque mot afin que le souffle de la vie traverse les phrases et certains sont prêts, croyant obtenir ainsi un meilleur résultat, à tenir éloignée la manière la plus courante de parler avec laquelle ils ont grandi. Cela peut représenter un problème pour les marseillais. Il est très difficile de traduire par l'écriture un langage de caractère comme le "parler marseillais". Ceux qui le pratiquent ont appris très tôt qu'il était bon de ne le conserver que dans sa forme orale et uniquement à l'intérieur de la géographie de la Ville. Écrire "en marseillais", une véritable transgression aux yeux de certains, représente un travail considérable devant lequel il convient de s'incliner quand un auteur y réussit avec une parfaite maitrise comme vient de le faire une nouvelle fois l'écrivain Gilles Ascaride, roi du mouvement littéraire "overlittérature", avec son dernier livre : J'ai tué Maurice Thorez, paru aux éditions Le Fioupélan.

La force de Gilles Ascaride est de "tenir" tout un livre dans cette forme ciselée "d'écriture orale" et sans la moindre ficelle exotique, là où la plupart de ceux qui se prêtent à l'exercice ne le font que sur des passages plus ou moins longs, dans le cadre d'une narration qui ne sort guère des formes conventionnelles. C'est d'ailleurs tout l'intérêt du mouvement "overlittérature", de proposer un sentier d'expression ancré profondément, pour combien de temps encore, dans le territoire, "merrittoire", "merdittoire" marseillais, mais c'est une bonne partie du sud de la France qui devrait se sentir concerné, qui mènerait vers un lectorat universel, pour toucher aussi bien l'australien que le chinois, l'esquimau ou le papou.

En neuf textes très différents, l'écrivain marseillais se livre, sur un arrière-fond politique, à un retour sur son passé aux travers d'épisodes qui, s'ils comportent tous un caractère de gravité, la conscription, Thorez et le communisme, mai 68, le Front National, sont revisités avec cette dérision, cette distance par l'exagération qui composent en partie ce qu'on qualifie "d'esprit marseillais". Ainsi s'esquisse le portrait d'un auteur qui dans cette forme de funambulisme littéraire se tient en équilibre sur l'ensemble des facettes de sa personnalité complexe, à la fois marseillais du dedans et du dehors (il vit à Aix-en-Provence), comédien de formation (cela s'entend au rythme du phrasé), mais aussi sociologue, et enseignant de cette discipline à la faculté d'Aix pendant sa carrière, impliqué à un moment de sa vie dans la politique, qui ne semble jamais totalement se trouver là où on l'attend et certainement pas dans la peau d'un retraité.

Derrière la faconde, la puissance et l'emphase du verbe, un art consommé de la fanfaronnade clownesque, mais aussi l'acuité du regard qui signale celui qui observe avec des outils sophistiqués d'analyse les choses sous le vernis des systèmes, c'est une sensibilité à fleur de peau qui se cache avec élégance et finesse derrière les masques.

J'ai tué Maurice Thorez est un livre qui donne à rire et réfléchir, une excellente porte d'entrée pour qui n'en aurait pas encore trouvée, à travers les livres d'Henri-Frédéric Blanc (pape du mouvement) par exemple, dans cette "overlittérature" tout à la fois mouvement et école littéraire, par laquelle tous ceux qui en éprouvent le besoin peuvent dire le monde en sacrifiant joyeusement les codes du bon goût de l'expression littéraire implicitement posés par un cercle étroit d'écrivains "parisiens", codes en dehors desquels un petit nombre de tartuffes de la lecture, parmi lesquels malheureusement quelques libraires, ont décrété qu'il n'y avait point de littérature.
Les assassins ne sont pas toujours ceux qu'on croit...

dimanche 3 février 2013

LAURA À LA HAVANE




Il faut absolument lire ce livre : Laura à la Havane, écrit par Angel Santiesteban, paru aux éditions l'Atinoir.

Il s'avère parfois contreproductif d'introduire le compte-rendu d'une lecture par une formule impérative qui voudrait prendre son lecteur au collet quitte à lui faire bouffer le livre, mais c'est bien ce que j'ai ressenti au moment de fermer ce recueil de nouvelles qu'un auteur cubain remarquable nous a transmis par-delà les mers et la censure que le régime castriste fait subir à tous ceux qui entreprennent de refléter son innommable pouvoir d'étouffement.

Il faut absolument lire ce livre pour rejoindre sous le vernis touristique des palais et des voitures américaines délabrés, des corps sublimes qui se déhanchent dans les fêtes caliente pour le plus grand plaisir des résidents des grands hôtels, la détresse des personnages d'Angel Santiesteban. Une détresse à laquelle chacun d'eux ou presque tente sans succès d'échapper et devant laquelle ce très grand auteur nous montre le triste spectacle de leur résignation, quand ce n'est pas l'appel d'une mort libératrice. Effroyable et sublime humanité que nous conte, sans rien nous épargner de sa douleur, comment le mal s'insinue et à quelle vitesse dans les coeurs les plus ardents, jusqu'à les saisir tout entiers, cet auteur cubain dont nous avons appris récemment que le "régime" devenu totalement fou vient de le condamner à cinq ans de prison et s'apprête ainsi, une fois de plus, à tenter de le détruire.

Il faut lire ce livre : Laura à La Havane, d'Angel Santiesteban pour faire résonner sa voix à travers nos voix, pour au moins essayer que la littérature l'emporte sur l'abjection de l'arbitraire, pour que ces personnages vivent à travers nos âmes et que cheminant ainsi, par les récits que nous transmettrons autour de nous, ils puissent sauver leur auteur et tous ceux qui s'étouffent peu à peu là-bas, dans le terrible anonymat de dérisoires cartes postales.

Il faut lire ce livre pour signifier aux frères Castro et à leurs pauvres sbires qu'il est trop tard, ils ont d'ores et déjà perdu, que la Révolution a définitivement échoué quand elle ne peut plus générer le moindre espoir.

Laura à la Havane, Angel Santiesteban. Editions l'Atinoir.

mardi 22 janvier 2013

AINSI PARLAIT FRÉDO LE FADA...

Photo (c) Thierry B Audibert


GÉNIAL HENRI-FRÉDÉRIC BLANC

Je viens de terminer le livre d'Henri-Frédéric Blanc paru aux éditions Le Fioupélan, Ainsi parlait Frédo le Fada, je suis sous le choc.

Ainsi parlait Frédo le Fada conte la folle geste de Frédo dans les temps obscurs du Califat de Mahârseille, qui s'improvise Prophète et s'en va dispenser son étrange enseignement. Comme nous sommes dans un monde de galéjades assumées où les lieux et les personnages ressemblent fortement à ceux qui les inspirent, les sourates du livre de Frédo deviennent des sardinates, 105 sardinates que le lecteur enchainera avec appétit sans jamais cesser de rire, chose rare voire inexistante dans la littérature d'aujourd'hui où les écrivains se montrent plutôt tristes de la plume, 105 sardinates dans lesquels Henri-Frédéric Blanc fait la brillante démonstration de sa parfaite connaissance de la mystique, qu'elle soit chrétienne, musulmane ou chinoise, ce livre baigne dans la spiritualité et c'est là sa performance, parvient en la détournant avec les armes terribles de la dérision à la nettoyer des misérables discours des obscurantistes de toute sorte.

Ce dernier opus, le vingt-septième, apparait comme le meilleur livre de son auteur, inspiré, profond, drôle, spirituel, et jouant d'une grande virtuosité avec le langage sans jamais se montrer vulgairement précieux ni se prendre au sérieux, Henri-Frédéric Blanc n'a d'ailleurs jamais eu de cesse de pourfendre à travers toute son oeuvre l'esprit de sérieux (celui des universitaires, des religieux, des politiques, des faux-artistes)  qui assèche les choses et les gens. Ceux qui connaissent déjà l'oeuvre particulière et unique de cet auteur penseront que les qualités que je viens d'énoncer sont déjà dans les livres précédents, mais on peut dire sans risque de se tromper que Ainsi parlait Frédo le Fada concentre dans ses 180 pages, avec une remarquable épaisseur et sur un rythme très soutenu, un vrai festival, l'ensemble des obsessions, des révoltes et des désespoirs, des angoisses et de l'énergie furieuse d'Henri-Frédéric Blanc, avec une plus grande densité qu'à l'habitude, une féroce drôlerie, une charge jubilatoire sur tous les comportements et attitudes qui nous régissent et nous écrasent.

Il va de soi que ce livre, ce monument, cet ovni littéraire, est investi d'une portée universelle, je veux dire par là qu'il n'est pas indispensable d'être marseillais pour s'y intéresser, ce qui est le cas de tous les ouvrages estampillés "overlittérature" *, que je n'hésiterai pas à écrire, ça c'est de l'engagement, que si vous ne l'achetez pas dans les heures qui viennent, qui que vous soyez, outre que vous encourez le risque d'être excommunié, je vous demande de ne plus reparaitre ici, vous ne méritez pas la sainte parole espadrillée de Frédo le Fada.

* Overlittérature ou Nouvelle Littérature Marseillaise Mondiale : littérature crûe, iconoclaste, qui se caractérise par son réalisme burlesque, son mauvais goût assumé, son irrespect total, sa marseillitude joyeuse loin de tout régionalisme et le recours aux armes de la dérision et de la satire.
Pétrone est considéré comme le saint patron de l'Overlittérature.
Ce mouvement littéraire a un pape : Sa Sainteté Henri-Frédéric 1er (Henri-Frédéric Blanc). Celui-ci a sacré Gilles Ascaride roi de l'Overlittérature (nom de règne : Gilles 1er l'Excessif).

dimanche 13 janvier 2013

C'EST ÇÀ MARSEILLE !!!

(c) Images de Thierry B Audibert


J'avoue que que je me suis fait avoir.

Rien ne ne pouvait laisser supposer un succès d'affluence de cette dimension sinon les espérances des organisateurs. Aucun bruissement autour de moi ces derniers jours, aucune attente, "Marseille 2013 ? Ouais, bof, c'est leur problème", et chacun d'en parler avec une réserve ironique. Et pourtant...

Nous voulions chanter La Traviata avec le choeur de l'Opéra de Marseille sur le parvis, à 18h30... Nous partons en métro, de St Barnabé à une heure raisonnable pour un trajet d'un quart d'heure, nous n'arriverons qu'après le triple du temps habituel. Nous connaitrons de grandes difficultés pour nous extraire de la station Vieux-Port, Vieux-Port que nous ne pourrons pas approcher.

Tout Marseille est là... ou presque. Impossible d'accéder au Vieux-Port même si on essaie plusieurs solutions. On a raté la grande clameur, on réussit à rallier le cours d'Estienne d'Orves où nous aurons la chance d'accéder au plus beau spectacle de la soirée (voir les images ci-dessus).

C'est çà Marseille, une ville qui nous étonne nous-même malgré le fait d'y être nés et d'y vivre entre bonheur et agacement. C'est çà Marseille. Une mère à la fois généreuse et capricieuse mais qui sait nous rassembler chaque fois que c'est nécessaire. Résultat : 400 à 450 000 personnes du Vieux-Port à la Joliette et... pas un seul incident. Qu'est-ce que j'aime cette ville. Pourtant pas de chance, alors que l'évènement aurait dû occuper toute la place dans l'actualité, la guerre au Mali qu'on espère brève et avec un minimum de victimes, et la polémique autour du mariage pour tous, altèrent un peu l'impact plus explosif qui pouvait accompagner cette ouverture. Les cathos et les islamistes nous emmerdent, qu'ils aillent se faire foutre.

De toute façon à partir d'aujourd'hui, nous avons un an pour profiter. Si, en plus, l'Olympique de Marseille avait la bonne idée d'être Champion de France ce serait la folie...

vendredi 11 janvier 2013

TROMPE-L'OEIL OU TROMPE-COUILLON ???

(c) Thierry B Audibert
Trompe-l'oeil sur la façade de la Bourse, Marseille 11/01/2013


Veillée d'armes pour Marseille. Demain s'ouvrira officiellement et pour une année, l'opération Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture 2013. On fait la Une des journaux pour autre chose que l'OM ou les règlements de compte, c'est toujours bon à prendre, mais nous voilà pour la plupart, nous, les marseillais, dans la plus parfaite expectative.

Il faut bien dire les choses, ça nous a fait plaisir d'être désignés par l'institution européenne en 2008, alors que nous ne nous donnions que peu de chances par rapport à des métropoles plus polissées comme Lyon par exemple ou même Bordeaux. Mais nous avons très vite eu le sentiment qu'il n'était pas question dans l'esprit des initiateurs de laisser beaucoup de latitude et de place aux acteurs locaux. Très peu de gens dans le village, car les français doivent le savoir, Marseille n'est qu'un grand village où l'info peut circuler très vite par les canaux les plus officieux, se seront trouvés en contact avec les techniciens (technocrates) de la culture choisis pour piloter le projet. Le regard sur la ville semble encore une fois avoir été porté de manière superficielle, en la prenant de haut avec une véritable appréhension de mesurer toute l'étendue du chantier considérable que représentait en vérité l'opération.

Nous avons bien observé les travaux de ravalement du Vieux-Port, la contruction du Mucem, en constatant que rien ne serait tout à fait prêt le jour J, l'ombrière du Vieux-Port m'apparait laide et gâche le paysage, nous ne nous sommes pas trompés. Nous avons soupçonné que de l'argent devait disparaitre au passage et qu'on allait pas se prendre la tête pour savoir qui en profitait, parce que c'est beaucoup trop compliqué de le savoir, et qu'après tout ce n'est pas notre argent mais celui de l'Europe qui n'avait qu'à faire attention. Depuis quelques jours nous détaillons le programme des festivités d'ouverture et nous y notons des initiatives plutôt sympathiques, une fanfare multiethnique de 170 musiciens qui seront vers la Place Sadi-Carnot, le choeur de l'Opéra avec lequel il nous est proposé de chanter un air de la Traviata sur le Parvis de cette authentique institution, le vacarme qui montera en fin de soirée avec les sirènes, les cloches, les cornes de brume, les cris de tous ceux qui daigneront venir au centre. Mais je reste pour ma part circonspect quant à l'initiative du Directeur du Gymnase, qui n'a pas eu d'autre idée que de faire chanter devant l'un de ses trois théâtres, la chanson "je suis une femme amoureuse", par 200 à 300 personnes coiffées d'une perruque de Mireille Mathieu. On se demande ce que vient foutre ici, même sous la forme travestie, la passionaria sarkozyste qui n'est même pas de chez nous, Avignon,  c'est déjà le Nôôrd.

Pas moins de 350 000 personnes sont attendues demain, et cela nous fait sourire car on a l'impression qu'à part les journaux parisiens, on s'en cague tous un peu de l'opération Marseille Capitale Européenne. Ils semblent avoir oublié une chose, les organisateurs, dans les quartiers où vivent la plupart d'entre nous, MP 2013 brille par son absence, alors que c'est par là qu'il fallait commencer pour nous concerner tous.

Alors qu'est-ce que ça va donner ce binz ? Un bordel réussi ou bien une effroyable couillonnade ? Un peu à l'image de cette immense fresque en trompe-l'oeil qui trône sur la façade de La Bourse, juste en face de l'endroit où furent assassinés en 1934 le roi Alexandre 1er de Yougoslavie et Barthou, alors Président du Conseil, qui nous appelle à changer de perspective et transformer notre réalité.
Trompe l'oeil ou Trompe-Couillon ?
Toute réflexion faite, je descendrai demain pour voir... quand même... on verra bien !!!

mercredi 2 janvier 2013

INTENTIONS ET SOUHAIT...

(c) Thierry B Audibert


Les professionnels du Livre ne cessent de s'interroger sur son avenir, à juste titre, nous vivons une période exceptionnelle où il est difficile d'apprécier aujourd'hui, après les déstabilisations que les nouvelles technologies ont commencé d'y opérer, comment ce marché trouvera son équilibre demain.
Il ne se passe pas un mois sans qu'un nouveau voile ne se lève, ou se rajoute, qui modifie les prédictions que chacun s'efforce de produire pour la meilleure lisibilité du futur. A ce titre, deux informations contradictoires apparues récemment méritent d'être observées avec la surprise amusée qui convient, par les amateurs de prospective, sur l'avenir de l'écrit.
La première confirme que les tablettes, comme l'an dernier, étaient pour Noël convoitées par tous ceux qui sont à la recherche de moyens légers et ludiques de communication. Elles exercent une véritable attraction sur des millions de consommateurs par leurs performances, leur design, leurs possibilités infinies parmi lesquelles celle de télécharger et stocker des "livres" numériques, consultables à tout moment en quelques clics, prétexte culturel le plus facilement mis en avant pour en justifier l'achat. La seconde, émanant d'une étude du cabinet Deloitte, plaçait le Livre en tête des intentions d'achat des français pour les fêtes, quand ce produit de l'ère Gutenberg ne se positionnait qu'au dixième rang l'an dernier.
Si au moment où j'écris nous ne pouvons pas douter du succès de ces outils formidables pour lesquels les constructeurs informatiques s'affrontent dans une guerre commerciale sans merci, j'envisage non sans espérance, mais avec quelques réserves, la vérification de ces intentions d'achat. On peut toutefois se demander ce que ces intentions révèlent, de manière souterraine, du rapport schizophrénique à ce jour des français au livre. Le réserver comme cadeau pour leurs proches nous indique qu'il conserve à leurs yeux une grande valeur symbolique et constitue une offrande de poids, pour un prix plutôt abordable, mais que nos compatriotes le réservent plutôt... aux autres. Il réside peut-être un germe étrange dans cette idée, une culpabilité née de l'adoption de la tablette qu'il faudrait compenser par l'achat de livres pour ceux qu'on aime, révélatrice d'un attachement affectif à l'objet et du souhait qu'ainsi il ne meure pas trop vite.
Mais il me plait de remarquer aussi que ce que l'on présente aujourd'hui comme des "liseuses", ne sont rien d'autre que des mini-tablettes, des outils pour lire, assembler, surfer sur les éléments multimédias, et quelque chose me dit, que je ne peux pas encore déterminer, que le livre dans son existence papier, a encore de beaux jours devant lui, que si la lecture prend de nouvelles formes, la plus profonde, la plus apaisante, la plus agréable, la plus nécessaire des lectures passera encore demain par le papier, c'est en tout cas ce qu'il me semble percevoir de ces observations, même s'il me faut préciser que j'ai bien conscience de n'y projeter peut-être que mon désir qu'il en soit ainsi. Et si tout simplement, n'y avait-il pas dans l'esprit du consommateur la fine intuition que les formats numériques en circulation aujourd'hui n'ont qu'un caractère éphémère et que c'est un risque de trop investir sur une incertitude ? C'est un fait, en période de crise, et incertaine, il faut se réfugier dans les valeurs sûres, et il se pourrait que le Livre, comme la Pierre, en soit une...