lundi 12 décembre 2016

VIVEMENT MARSEILLONS 3 !!!




Le spectacle Marseillons 2 s'est donc achevé dimanche avec sa troisième et dernière représentation, celle-ci en après-midi afin de donner la possibilité de le voir à ceux qui ne peuvent, ou n'osent pas sortir le soir sur La Canebière. Les personnes bien informées sur son contenu, les spectateurs du premier Marseillons, du 31 janvier 2015, comme ceux qui avaient suivi les différents reportages et teasers publiés sur sa page facebook, auront trouvé sans aucun doute ce qu'ils étaient venus chercher, surtout une occasion de se rassembler autour d'une troupe joyeuse, enthousiaste mais éphémère, montée pour l'occasion par le comédien Cyril Lecomte autour de Marseille et de l'écriture d'Henri-Frédéric Blanc. Pour éviter tout hiatus entre la forme de ce spectacle et ce que certains pouvaient en attendre au regard de la promo, la présence de Titoff, mais surtout d'une idée très personnelle qu'ils pouvaient s'en faire, il aurait fallu noter auparavant une différence essentielle : Henri-Frédéric Blanc n'est pas un humoriste, une de ces usines à vannes bien calibrées à laquelle s'abreuvent ceux qui font le difficile exercice de cette noble profession. Henri-Frédéric Blanc est avant tout un écrivain qui a l'art de faire franchement rire mais de manière grinçante et poétique avec ses rebellions et ses constats cinglants sur nos sociétés. D'où il était perceptible que certains spectateurs ne parvenaient parfois pas vraiment à se situer dans la manière de recevoir les différents personnages qui se succédaient sur la scène, ceux qui pensaient assister à un festival d'humour, ou à une pièce de boulevard bien huilée en étaient pour leurs frais et certains, une minorité, manifestaient parfois à l'entracte une forme de désillusion. C'était d'autant plus dommage que le spectacle était vraiment réussi si l'on se réfère au peu de temps sur lequel il a été travaillé et répété, en raison du nombre important de comédiens et musiciens sur la scène de l'Odéon, ce qui pouvait donner l'impression d'un beau bordel organisé. Le décor, un plan incliné avec des cases colorées jusqu'à mi-scène, sur la gauche une mezzanine, sur la droite une mini plateforme. Un personnage que s'était réservé Cyril Lecomte, revêtu d'une redingote rouge, un monsieur Loyal muet qui amenait la plupart des personnages sur scène et les raccompagnait à leur sortie, tout à la fois silhouette tutélaire et gardien fantastique d'un musée baroque, faisait avec élégance, concentration et compassion le lien silencieux entre les séquences. De toute cette galerie de créatures bizarres qui se succédèrent nous ne parlerons que de quelques-unes particulièrement marquantes, aussi bien en raison de la qualité de leur texte que de leur interprétation. Ainsi Armelle Deutsch sut composer des personnages très différents tout en restant à chaque fois juste, drôle et subtile, plongeant complètement dans leur délire sans jamais perdre le contrôle techniquement, ni dans la diction, ni dans son placement, ni dans la projection, grande comédienne. C'était le cas aussi de Marie Fabre, déjà fortement présente dans le premier Marseillons qui montra une grande intensité dans chacune de ses interventions, aussi bien en patronne de baraque à chichis qu'en cagole sur le retour en attente de l'homme de sa vie. Bob Assolen sut imposer sans effort apparent sa présence charismatique avec le même succès qu'au cinéma dans le film culte "Les collègues", c'était d'autant plus remarquable qu'il ne semble pas avoir pris particulièrement de cours de comédie. Richard Guedj proposa avec force et brio un désopilant personnage de pêcheur survolté, électrique, un choix réussi d'aller à l'encontre de l'image plutôt calme qu'on peut avoir d'un pêcheur quand il nous livre ses pensées profondes. La séquence courte d'un architecte aixois qui appelle sa mère avec le fameux accent jambon fût très réussie par Cyril Lecomte, même si personnellement je fus gêné dans son cours par des spectateurs qui regagnèrent tardivement leurs sièges après l'entracte. Mais le plus remarquable fût Titoff dans deux prestations très cadrées en début et en fin de spectacle. Titoff qui sut mettre au service de ses personnages un art très consommé de la scène, une grande capacité à tout à la fois dominer son texte et en même temps tisser un lien invisible avec chaque spectateur, toujours dans le rythme, improvisant de manière juste quand il le fallait, c'était intense, hilarant, touchant. Titoff est un comédien d'une grande épaisseur qui mérite beaucoup mieux que les rôles de faire-valoir qu'il multiplie, il faut bien "manger", dans les shows télévisés. Les réalisateurs seraient bien inspirés d'essayer d'exploiter au cinéma son ambiguïté, cette gravité touchante sous sa drôlerie. Je préciserai pour finir que j'ai vu le spectacle le samedi soir pour le cas où des lecteurs ne reconnaîtraient pas vraiment ce qu'ils ont vu au travers de mes propos, car il semble qu'il y ait eu des inversions d'interprétations selon les jours. Bref, Marseillons 2 fût abouti au point que nous devons faire savoir à Cyril Lecomte qu'il est dans le vrai, que ce mélange des genres, comédie, musique, je n'ai pas parlé des musiciens, mais c'était magique de voir arriver deux complices du Massilia Sound System, Papet J et Gari Greù, mais aussi Levon Minassian et son doukdouk dont les sonorités semblent venir du plus profond de l'humanité, David Walters émouvant dans un jeu de percus autour du mot Marseille, troublants les aigus d'Atef qui avait écrit lui aussi pour l'occasion une chanson sur la ville. Oui, Cyril Lecomte est dans le vrai quand il rassemble autour de lui pour nous donner un show original. Ce que nous avons vu ne ressemble à rien de ce qui peut se faire traditionnellement, ou alors c'était il y a longtemps, car c'est une forme qui réunit des éléments hétéroclites en apparence qui composent à la fin une belle mosaïque parfaitement dans l'esprit de notre ville. Il reste à souhaiter qu'une plus grande pédagogie soit employée avant le Marseillons 3 pour expliquer précisément aux spectateurs ce qu'ils viendront y voir. Par exemple, éditer un programme qui serait distribué a l'entrée de la salle, comme cela se fait à l'Opéra, donnerait clairement à chacun ce qu'il serait appelé à voir. Je ne suis pas sûr, par exemple, que tout le monde dans la salle savait quel musicien extraordinaire est Levon Minassian. C'est dommage. Un petit déroulé du spectacle, quelques notes biographiques sur les artistes, seraient les bienvenus. En attendant, bravo à tous, good job et vivement Marseillons 3.

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