vendredi 28 octobre 2016

MASSILIA SOUND SYSTEM LE FILM


POÉSIE, RYTHME, ET PARTAGE

Il se dégage une saine jubilation de la projection du nouveau film de Christian Philibert consacré au Massilia Sound System. Courrez-y pour voir sur écran géant ce groupe d'hommes à la fois lucides et déjantés qui inventent depuis trente ans une expérience artistique qui n'a guère d'équivalent dans le paysage musical français. Allez-y pour vous nourrir de cette énergie qui nait de leur contact avec leur public, de ce partage authentique de la fête dans la fusion dionysiaque des corps et des esprits contestataires. Le tour de force du fameux réalisateur des quatre saisons d'Espigoule, repose sur la fluidité qu'il a su donner au film en racontant tout à la fois l'histoire du groupe, mais aussi celui de chaque individu qui le compose, les projets parallèles qu'ils mènent séparément, le tout en échappant au didactisme qui menace toujours ce genre d'exercice si on se laisse aller à l'intention d'imposer un propos. Les séquences de concert, on stage ou backstage, les déplacements d'une tournée, alternent avec des archives, les témoignages face caméra où les visages des membres du groupe qui se détachent sur fonds noir (celui du deuil de l'un des membres disparus trop tôt mais si furieusement présent encore) apparaissent dans toute leur vérité, nous faisant toucher du doigt leur cohésion individuelle et collective. Les propos politiques, philosophiques, l'Occitanie, la conquête de la liberté, l'indépendance et la résistance à la centralité, au bizness de la musique ne sont jamais lourds. Ce sont des gens qui ne trichent pas avec leur public (à la base duquel se trouve la Chourmo), ni avec eux-mêmes, et tout le mérite de Philibert est de n'utiliser aucun artifice de narration, de se rendre tout à fait invisible, bornant ses interventions à des panneaux sobres qui annoncent le titre de quelques séquences. Sa caméra qu'il a su faire accepter à tous nous plonge au cœur de la matrice artistique du groupe et nous permet en même temps de la voir dans son ensemble avec le recul que les membres du groupe portent eux-mêmes et de façon amusée sur leur travail. On ne peut s'empêcher parfois de songer aux deux films de Jean-Luc Godard, One + One, avec les Rolling-Stones et Soigne ta droite avec les Rita Mitsouko, au point que ce n'est presque pas un hasard si on assiste au cours d'un magnifique concert aux Docks des Sud à Marseille à l'arrivée imprévue de Catherine Ringer sur scène, un des moments les plus drôles du film, il y en a beaucoup comme toujours dans les films de Philibert. Et puis enfin il y a Marseille, inévitable parce que c'est là que tout est né, dans le quartier populaire de la Plaine, une ville sans laquelle le groupe n'aurait jamais pu choper et cultiver sa singularité, sa fibre contestataire, sa furieuse dérision. Marseille qui semble leur avoir initié à ne jamais se prendre pour d'autres, à rester humbles et accessibles, Marseille où ils ont importé et recrée l'esprit du Reggae. La ville-monde qui possède en commun avec la Jamaïque le soleil, la mer et le vent, qui constituent le sel de la poésie, Marseille où ils forgent une oeuvre universelle, une ode au rire, au rythme et au partage. Viva les Massilia.

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