mercredi 2 août 2017

MANHATTAN BLUES, Jean-Claude Charles


Il y a des auteurs qui même après leur mort n’ont toujours pas atteint toute la notoriété qu’ils méritent. Jean-Claude Charles est de ceux-là. Né à Haïti en 1949, parti faire des études, qu’il abandonnera, au Mexique, il ira ensuite à Chicago puis surtout à New-York avant de devenir journaliste à Paris où il avait repris ses études. Il décèdera en 2008, laissant derrière lui deux recueils de poésie, trois essais et quatre romans dont cet extraordinaire MANHATTAN BLUES publié en 1985 par Bernard Barrault.

Ferdinand vit à Paris mais vient passer quelques jours à New-York pour écrire dans l’appartement de sa maîtresse Jenny, qu’elle n’occupe pas, pendant une parenthèse de leur histoire amoureuse qui les a éloignés. Il vient aussi pour trouver des financements pour un film mais tout cela ne va plus guère compter quand il va rencontrer Fran, une traductrice au bord de la rupture avec Bill un peintre qui ne lui laisse guère de place dans son appartement atelier. L’histoire fortement autobiographique est ténue et n’a finalement que peu d’importance face à cette écriture très inspirée par deux références revendiquées, Joyce et Céline, qui déconstruit la langue pour créer un rythme aussi chaloupé qu’un standard de jazz, on écoute pas mal de musique dans ce roman. On a ici un verbe qui traduit avec beaucoup d’élégance et de liberté le rythme de la pensée, celui interne de chaque personnage, les idées qui passent, les certitudes, les doutes, et les peurs. Ces personnages de l’ère Reagan sont tous largués et peinent à assumer leurs sentiments dans une Amérique en mutation. Une grande contribution d’un écrivain noir à la Littérature francophone avec cette écriture qui invente sa propre forme. En arrière-fond, il y a le New-York de l’avant 11 septembre que les amoureux de cette ville prendront plaisir à retrouver car les personnages s’y promènent beaucoup, à toutes les heures du jour et de la nuit. MANHATTAN BLUES est un vrai putain de bon livre, il n’est guère étonnant que Marguerite Duras l’ait avalé en une nuit avant d’en parler avec beaucoup de respect pour son auteur.

Il faut ici saluer la formidable initiative des éditions Mémoire d’encrier de rééditer toute l’oeuvre de Jean-Claude Charles, une maison d’édition dynamique qui porte haut et fort la littérature et la pensée des auteurs noirs. On ne peut qu’inviter les bons libraires français à référencer le meilleur de ce catalogue brillant et vibrant. Les éditions Mémoire d’encrier sont maintenant diffusées et distribuées par DG DIFFUSION.