mercredi 5 décembre 2012

BAZERAT LE SCEPTRE DE SALOMON




LE PHALLUS ET L'ÉTERNEL FÉMININ

En cette fin d'année 2012, un roman historique d'aventures prend place sur les tables des libraires avec Bazérat, le Sceptre de Salomon, de Christoph Lode.
Ce livre à la couverture rouge vermillon, symbole d'énergie et de vitalité, qui nous vient par l'Allemagne où il a connu un excellent démarrage, plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires vendus en quelques semaines, conte la folle épopée, peu après l'an 1300, d'un jeune chevalier lorrain, Raoul de Bazérat, cadet de sa famille, qui mène une vie dissolue en laissant volontiers la charge du château familial à son austère et bienveillant frère ainé.
Quand il apprend par un vieux médecin moraliste que la toux et le sang qu'il crache signalent un cancer du poumon, Raoul décide de racheter son âme, avant de mourir, par un pèlerinage à Rome, et c'est sur le chemin qu'il sauve la vie d'un Cardinal en très mauvaise posture face à une rebellion de cathares. De cette rencontre avec le Cardinal Morra va naitre une mission pour Bazérat, celle d'amener pour le service du Pape Boniface un vieux manuscrit, la vita antonii, vers un mystérieux agent situé à Jérusalem, pour qu'il localise et mette la main sur le Sceptre de Salomon, devenu par la suite le fameux Bâton de St Antoine.
Le lecteur saisira vite que ce livre nous met en présence d'une quête, Bazérat décidera vite d'outrepasser sa mission, que cette quête est celle d'un objet à la puissante force d'attraction, convoité tout à la fois par les mondes chrétiens et musulmans, alors que l'action se situe quelques années après la dernière croisade et nous promène entre Rome, Jérusalem et Constantinople.
L'auteur met dans la bouche de ses personnages des dialogues modernes et n'appuie jamais sur les ressorts psychologiques qui les font agir. Bazérat, le sceptre de Salomon est avant tout un livre d'action et de poursuites, d'espionnage et de trahison, dans lequel le suspens ne cesse de monter, ce qui conduit, comme pour tous les bons romans de ce genre, le lecteur à tourner fébrilement les pages.
Les motivations des personnages, le pouvoir, la vengeance, et en ce qui concerne Raoul de Bazérat la survie, avec la peur de mourir autrement qu'au combat, nourrissent le récit et nous intéressent avec intensité au destin de chacun d'eux. L'auteur démontre une bonne connaissance de l'époque dans laquelle se déroule l'action qui ajoute à cet intérêt, d'autant qu'il évite le piège consistant à la surexploiter; nous écarterons par contre tout rapprochement hasardeux avec l'actualité dans cet affrontement entre deux mondes, l'occidental et l'oriental, cela n'entre pas dans le projet de Christoph Lode.
S'il n'est pas possible de dévoiler les mécanismes du suspens et la résolution de l'histoire, il n'en demeure pas moins que la nature de l'un des personnages principaux, archétype de l'éternel féminin, qu'on pourrait juger inattendue dans un roman "historique", ainsi que les pouvoirs irrationnels prêtés à cette sorte de "phallus" figuré par le fameux sceptre, laissent entrevoir dans les minces interstices du récit une distance amusée de Lode face aux religions, au pouvoir, à la puissance et ceux qui les manient ou les convoitent. Nous nous autorisons même à déceler une fine ironie dans la rédemption qui se trouve au bout de l'aventure, mais il faut laisser le soin à tous ceux qui se lanceront dans le sillage de ce Raoul de Bazérat, de décider si son destin rencontrera finalement le bonheur, dans ce cas, de quelle couleur pourrait-t-il être, car après tout, "le bonheur n'est pas gai" a écrit Maupassant, et s'il sera placé au bout du compte (du conte)  sous le signe du bien... ou du diable.

Bazerat ou le Sceptre de Salomon de Christoph Lode. Éditions Anne d'Hercourt.
Dans toutes les bonnes librairies.
Diffusion-Distribution DG Diffusion.







lundi 3 décembre 2012

FAIRE CIRCULER !!!


Le texte qui suit est d'un auteur qui s'appelle Richard Stallman. Je l'ai trouvé sur le blog de Lorenzo Soccavo, un chercheur en prospective du Livre dont je conseille la fréquentation à tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du livre. On peut y accéder par ma liste de blog à la droite du présent billet : Prospective du livre.

.. Des technologies qui devraient nous conférer davantage de liberté sont au contraire utilisées pour nous entraver.
Le livre imprimé :
  • On peut l’acheter en espèces, de façon anonyme.
  • Après l’achat, il vous appartient.
  • On ne vous oblige pas à signer une licence qui limite vos droits d’utilisation.
  • Son format est connu, aucune technologie privatrice n’est nécessaire pour le lire.
  • On a le droit de donner, prêter ou revendre ce livre.
  • Il est possible, concrètement, de le scanner et de le photocopier, pratiques parfois légales sous le régime du copyright.
  • Nul n’a le pouvoir de détruire votre exemplaire.
  •  
Comparez ces éléments avec les livres électroniques d’Amazon (plus ou moins la norme) :
  • Amazon exige de l’utilisateur qu’il s’identifie afin d’acquérir un e-book.
  • Dans certains pays, et c’est le cas aux USA, Amazon déclare que l’utilisateur ne peut être propriétaire de son exemplaire.
  • Amazon demande à l’utilisateur d’accepter une licence qui restreint l’utilisation du livre.
  • Le format est secret, et seuls des logiciels privateurs restreignant les libertés de l’utilisateur permettent de le lire.
  • Un succédané de « prêt » est autorisé pour certains titres, et ce pour une période limitée, mais à la condition de désigner nominalement un autre utilisateur du même système. Don et revente sont interdits.
  • Un système de verrou numérique (DRM) empêche de copier l’ouvrage. La copie est en outre prohibée par la licence, pratique plus restrictive que le régime du copyright.
  • Amazon a le pouvoir d’effacer le livre à distance en utilisant une porte dérobée (back-door). En 2009, Amazon a fait usage de cette porte dérobée pour effacer des milliers d’exemplaires du 1984 de George Orwell.

samedi 24 novembre 2012

NANO LECTURES de BARBARA BIBS

(c) Thierry B Audibert
Cliquer pour agrandir la photo


Les éditions Anne d'Hercourt qui viennent juste de naitre et auxquelles le monde de la librairie souhaite la bienvenue, proposent déjà une publication très attirante avec ces Nano Lectures, le premier livre de Barbara Bibs.
Ce  petit format, à l'élégante couverture gris-argent, renferme de savoureuses pépites qu'il convient de déguster lentement. Barbara Bibs se montre douée d'un art subtil pour mitonner en peu de mots une douce épaisseur à ses personnages, créer une situation avec un enjeu, par des narrations courtes, voire très courtes, d'une demie-page, une page, une page et demi, rarement plus.
Chez Barbara Bibs, la réalité glisse, subit torsion et renversement sans se trouver pour autant transformée. Les contraires semblent échanger leur essence, les choses les plus infimes se chargent d'intensité. Ces Nano Lectures diffusent des courants chauds et froids, "sensuels" pourrait convenir si ce petit livre, qui a tout d'un grand, ne refusait une telle facilité. Elles maintiennent le cerveau du lecteur dans un délicieux état de concentration amusée, le promenant avec discrétion du côté de la face cachée des choses. Avec son vocabulaire jamais précieux ni ostentatoire, Barbara Bibs réussit le tour de force d'être poétique dans sa prose, mais sans prendre la pose, et le lecteur partagera la douce jubilation de son écriture qui a l'élégance de cacher le travail derrière sa volupté, invité à jouer avec les codes et les représentations. Chaque texte est une bulle de savon qui éclate juste après nous avoir fasciné, ils laissent une trace comme le flash sur la rétine. Ils ont le charme et la simplicité de l'instant, mais aussi son absurde gravité. L'écriture de Barbara Bibs, jamais laborieuse, ne singe pas l'exercice de style, mais le lecteur sera toujours tenté d'y revenir, histoire de chercher les coutures, il lui faudra un oeil avisé, il réside une finesse toute féminine dans son artisanat, même si le double qui l'inspire est du genre masculin.
A lire partout, de préférence entre deux moments, salles d'attente, transports, restaurant (entre deux plats), avant le premier sommeil, ou juste avant de sortir du lit.

Nano-Lectures,  de Barbara Bibs. Éditions Anne d'Hercourt. Prix 13€. Chez tous les bons libraires.
Diffusion-Distribution DG Diffusion.

samedi 10 novembre 2012

SEUL...

(c) Thierry B Audibert



On nait, on vit, on meurt, seul.
Nous sommes quelques-uns, dans les passages difficiles de notre existence, à psalmodier cette phrase, espérant pour certains qu'interviendra tôt ou tard le moindre élément objectif pour infirmer ce triste constat, malgré l'ensemble des échanges sociaux, réels ou virtuels, un entourage familial aimant et bienveillant : on nait, on vit, on meurt, seul.

Je parle de tristesse car c'est ainsi que la plupart perçoivent la solitude, comme si elle ne pouvait résulter que d'un rejet ou d'un auto-enfermement, le choix d'un repli pour s'extraire de forces hostiles et menaçantes pour l'égo ou l'esprit, alors qu'il est des êtres censés ou plein de vie qui trouvent un vrai plaisir dans le cheminement solitaire, et jouissent de la conquête de leur totale autonomie sans avoir cherché initialement à se particulariser de la masse, ni vouloir à aucun moment s'imposer comme des exemples.

On nait, on vit, on meurt, seul : derrière la part incontestable d'une telle phrase, il conviendrait aussi de connaitre et de nous synchroniser sur les fondements véritables que nous accordons à ces trois actions de base du cycle de la vie (que peut donc signifier, naitre, vivre, mourir ?), sur les notions que nous avons construit autour de notre individualité qui incluent notamment notre relation transcendante avec un être supérieur, un Dieu créateur de toutes choses et maitre de nos vies pour l'éternité. "On nait, on vit, on meurt seul" ne saurait être prononcé par un vrai croyant, mais à l'inverse, constitue la déclaration d'un renoncement choisi à la croyance selon laquelle Dieu est en nous et autour, c'est à dire dans les autres, facteur d'union et de communion.

"On nait, on vit, on meurt seul" : que sait-on de la réalité avec nos sens limités, nos esprits bien trop accrochés à une illusoire incarnation, notre infinie petitesse, notre grandeur sans limite ? Nous ne savons rien ou peu, si bien que nous prononçons cette phrase en spectateurs impuissants de notre propre mystère, celui qui rend vain la moindre agitation vers le haut ou le bas pour nous défaire de nos inaptitudes et alléger le pesant fardeau de nos insuffisances.

C'est une phrase à ranger dans le tiroir des Vérités Absurdes car après tout : on naît, on vit, on meurt, seul... mais ensemble !?!

lundi 5 novembre 2012

MAÎTRES DES SABLES ET DU VENT...

Frédéric Rey



Je pense parfois à Frédéric Rey.

Je ne l'ai pourtant rencontré que deux fois, mais il fait partie de ces gens qui vous marquent par la qualité du regard qu'ils posent sur vous, leur faculté naturelle pour se placer à votre portée, saisir très vite les qualités et les défauts qui vous constituent et qui, sans y toucher, vous transmettent quelque chose qui ne s'efface pas.

C'était un romancier qui avait l'art d'animer ses personnages, manifestant par le détail chaque mouvement de leur âme, insufflant à leurs actions les milliers d'informations que ses yeux vifs, espiègles, acerbes, enregistraient dans la vie. Ses personnages lui ressemblaient, lui qui se montrait tout à la fois direct et pudique, piquant et amusé, ils traversaient les récits quelle que soit l'époque ou les lieux dans lesquels il les implantait, sans rien sacrifier de leur précieuse liberté d'esprit. Celle que leur prêtait leur auteur.

Je crois aussi qu'il fût un des écrivains qui parla le mieux du corps des hommes, de l'amitié virile poussé jusqu'au désir, mais avec une fine distance, une délicate façon d'évoquer les choses sans les dire. Ce trait éclate dans le dernier roman qu'il publia : L'homme Michel-Ange.

Frédéric Rey est mort peu de temps après la sortie de ce livre dans lequel il est manifeste qu'il s'était absorbé tout entier, habitant le génial créateur du David de l'intérieur, dans le projet fou de partager ses visions, son art, son âme qui sublimait chacune de ses oeuvres. Je ne suis pas loin de penser que l'écrivain est allé au bout de ses forces vitales pour ce livre monumental que je n'ai pas relu.

Sa mort, assez subite, m'avait tellement surpris, je venais de recevoir et de dévorer L'homme Michel-Ange que j'avais appelé Bernard de Fallois, l'éditeur qu'il avait rejoint après avoir publié tous ses livres chez Flammarion, lequel était lui-même encore très retourné par ce décès, d'autant plus que Bernard Pivot sous le charme lui aussi du Michel-Ange, venait d'inviter Frédéric Rey dans Apostrophes, la plus célèbre et la meilleure émission de littérature qu'ait jamais produit la télévision. Ainsi par ce décès prématuré, l'auteur qui ne vivait jusqu'à ce moment que d'un succès d'estime, passa tout à-côté d'une forte notoriété que n'aurait pas manqué de lui apporter cette émission.

J'ai recherché l'autre jour sur internet ce qui se trouvait sur Frédéric Rey. En dehors des livres qui restent à la vente, j'ai trouvé une fiche de lecture concernant La haute saison, un roman dont l'action se situe en Ardèche, pays dont il était originaire et auquel il devait sans doute sa pudeur et une forme de révolte contre l'ordre des choses, la photo en-tête de cette page, et c'est tout. Il n'y a rien sur lui qui est parti trop tôt, aux alentours de l'année 90.

Je n'ai certainement pas la prétention de rattraper cette injustice par ce billet mais il me plait de penser que si quelqu'un lançait une recherche suite à la lecture d'un de ses romans, il trouverait ces quelques mots de mon souvenir. J'ai aussi une pensée pour une vieille dame sans doute partie elle aussi désormais, Mme Bataillard, qui fût proviseur d'un grand lycée parisien, aux yeux toujours brûlants d'enthousiasme et de malice, qui avait insisté pour me faire rencontrer cet écrivain, lui-même professeur de français, et dont je me demande si elle n'était pas un peu amoureuse.

Fragilité, absurdité de nos existences. Je terminerai cette évocation par les dernières lignes de son avant-dernier roman, l'histoire d'un jeune pacha dans un ksar au milieu du désert, une méditation sur le pouvoir :
"... n'étais-je pas en train d'entretenir de nouvelles illusions ? Le pouvoir est-il davantage qu'une apparence et peut-on quelque chose pour ceux qui nous importent ? Qui nous appartient et qui nous sera reconnaissant jamais ? J'avais la puissance, j'avais la jeunesse. Mais, en définitive, je possédais ce qu'aucune main n'a jamais pu retenir. Je n'étais que le maître des sables et du vent."
Fréderic Rey Le maître des sables et du vent

Nous sommes tous les maîtres des sables et du vent...




mercredi 31 octobre 2012

MARC VELLA, LE FUNAMBULE DU CIEL

À gauche, Marc Vella au cours du repas que nous avons partagé cet été.



Le 21 novembre prochain, sortira aux éditions de La Providence (les bien nommées) un livre aérien, poétique, spirituel, signé Marc Vella : Le Funambule du Ciel.

Il s'agit d'un conte initiatique, genre difficile qui exige du lecteur qu'il se dépouille des aspects les plus lourds de sa raison, pour entrer dans un autre monde, un monde étrange où s'élargissent les frontières du possible au détriment de la triste réalité.

Pénétrer cette forme de récit pour en capter le charme et la saveur, demande bien plus que de l'intelligence ou de la sensibilité mais réclame rien de moins qu'une âme d'enfant, ce passeport pour le merveilleux, enfoui au plus profond de chaque adulte. Je viens d'ailleurs de relever ces mots de Schiller, extraits de son Don Carlos cités par C. Tauber en amorce de ses Entretiens avec CG Jung qui prolongent ce point de vue et je ne résiste pas à les reporter ici :

(...) Dites-le lui :
Qu'il ait du respect, quand il sera homme,
Pour les rêves de sa jeunesse, qu'il n'ouvre pas
Aux insectes mortels d'une raison trop vantée
Le coeur de la tendre fleur divine,
Qu'il ne se laisse pas
Égarer lorsque la sagesse de la poussière
Blasphèmera l'enthousiasme, cet enfant du ciel.

Aucun écrivain ne peut réussir dans cet exercice casse-gueule du conte initiatique s'il ne le trempe dans l'encre d'un coeur pur, généreux et noble.

Marc Vella, l'auteur de ce magique Funambule du Ciel est lui-même un personnage magnifique, extraordinaire, solaire.
Pianiste virtuose, Prix de Paris et surtout Prix de Rome en composition, il a choisi plutôt que de s'enfermer dans les ors et les velours des plus belles salles de concert du monde, de charger son piano à queue sur une remorque et de partir à la rencontre de l'Humanité dans toute sa beauté et sa diversité, au fin fond de l'Afrique ou de l'Orient, traversant ainsi plus de quarante pays.
Ceux qui le croisent sont vite saisis par sa grâce, la force de sa parole, la placidité de son regard, les vibrations palpables de son âme.
Par la magie du piano, sa capacité à révéler leur propre beauté à ceux qui en frappent les touches à ses côtés, Marc Vella a le don de reconnecter chacun avec sa source bienveillante.

Je ne saurai donc trop inviter ceux qui sont prêts à faire une belle expérience, de se lancer  à la découverte de ce funambule, fruit de la rencontre d'une larme et d'un silence, qui va chuter d'un fil tendu entre deux étoiles, dans un monde qui rappelle le nôtre, pour trouver un amour vrai, non possessif, après s'être extrait du "sans fond" grâce à la lumière d'un phare.
Ils seront, par cette lecture, en lien direct avec cette âme profonde qui a accouché cette histoire qui nous ressemble et nous rassemble.

La calligraphie de Bernard Camus donne à l'ensemble un surcroît de charme qui augmente encore plus la magie du récit.

  

jeudi 25 octobre 2012

samedi 20 octobre 2012

LA LUTTE, LA FUITE, ET LE MOMENT PRÉSENT...

(c) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)



Ce sont spontanément les idées de fuite et de bonheur qui s'insinuent dans mon esprit quand je médite sur cette photo.

Nos vies tiennent en équilibre subtil entre rêve et réalité, désir et contrainte, volonté et résignation.
Il est difficile d'arbitrer au plus profond de nous sur le chemin à prendre dans notre navigation intérieure, celle qui assure la meilleure synthèse de nos envies antagonistes, nos fausses nécessités, nos véritables aspirations.
Ce chemin, pour certains, est déjà une forme de destination.
Il pourrait s'appeler le bonheur.

Mais de quoi le bonheur serait-il l'aboutissement ?
De la fuite ou de l'affrontement ?
Faut-il passer par l'un et l'autre pour réaliser leur inutilité, et aboutir à la seule condition du bonheur, l'acceptation entière et totale qu'offre l'instant présent, dans le refuge au sein de notre propre source, là où se transforment les perceptions négatives ou positives ?
Encore faut-il au moins trouver le calme... après l'affrontement ou la fuite.

Longtemps, nous ne faisons que toucher ce bonheur, par séquences courtes que nous tentons de multiplier et d'accroitre, mais ce sont les déceptions qui se présentent au rendez-vous avec un sourire narquois.
Puis le temps vient patiner les attentes, il réoriente le regard, éclaircit la réalité au point de nous y faire apparaitre ce que l'on ne savait pas y voir, une plénitude nous gagne, juste le temps de se laisser apprécier, puis l'obscurité revient, comme la nuit succède à une belle journée.

Il faut recommencer...

Pour s'ouvrir la porte du bonheur il n'y a pas une clé pour tous. Mais une pour chacun.
Il se trouve autant d'humains que de serrures.
Bien menteur, ou chevalier de l'illusion, qui peut prétendre ouvrir à l'autre la porte de son accomplissement. Les maitres bouddhistes eux-mêmes ont la sagesse d'enjoindre celui qui cherche, à expérimenter leur enseignement, et juger seul de ce qui est bon pour lui.

Je ne peux que m'interroger avec humilité sans tomber dans l'exercice pontifiant d'asséner une vérité qui m'échappe aussi quand je crois la saisir, je me contenterais de citer deux auteurs auxquels je pense forcément quand je regarde cette photo. L'un était neurobiologiste, Henri Laborit, qui prend ici une métaphore maritime s'accordant bien avec la photo de ce billet, l'autre est philosophe, Clément Rosset, explique comment nous pouvons, non pas modifier la réalité, mais la faire glisser pour ne pas avoir à la supporter, car comme le fait dire Jean-Luc Godard à Fritz Lang qui joue son propre rôle dans Le Mépris : "Il faut supporter".


"Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l'arrière avec un minimum de toile.
La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l'horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qui ignoreront la chance apparente de suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies maritimes."
Henri Laborit Éloge de la fuite.

"Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu'il semble raisonnable d'imaginer qu'elle n'implique pas la reconnaissance d'un droit imprescriptible - celui du réel à être perçu - mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Le réel n'est généralement admis que sous certaines conditions et seulement jusqu'à un certain point : s'il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l'abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s'il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir  ailleurs. Car dans l'illusion, la forme la plus courante de mise à l'écart du réel, il n'y a pas à signaler de refus de perception à proprement parler. La chose n'est pas niée : seulement déplacée, mise ailleurs."
Clément Rosset Le rél et son double.

Pour terminer, j'avais déjà publié cette photo sur un autre site, et je l'avais accompagnée du texte ci-dessous, duquel je ne retire pas un mot deux ans plus tard.

"Je prête beaucoup de mystères à l'acte de photographier.
Certains peuvent le concevoir comme une chose très simple qui consiste à isoler un morceau de réalité pour le fixer de manière définitive.
Je crois que j'aime les photos quand elles illustrent que leur auteur a trouvé une sorte de trou dans la réalité, quelque chose qui permet de voir à travers les apparences, et permet de leur échapper.
Il me semble que ce sont ces trous que je cherche, pour aller voir derrière les choses, dans leur vérité profonde.
Il est vrai que la plupart du temps, saisi par la paresse, je me contente d'enregistrer quelque chose qui m'interpelle en espérant que le hasard saura donner à la photo la vibration spéciale que j'en attends qui transforme la réalité.
Photographier est un excellent moyen de s'enfuir et de fixer le moment où on y parvient."



mardi 9 octobre 2012

LA TOILE D'ARAIGNÉE...

(c) Thierry B Audibert
Cliquer sur la photo pour agrandir




Depuis quelques jours, une araignée s'obstine à tisser sa toile dans l'allée de mon jardin qui mène de la maison vers le fond, où se tiennent aussi bien la petite maison que nous réservons aux amis ou à la famille, que deux cabanes de rangement ou le local à poubelle.

Il se trouve que je suis chaque matin le premier à emprunter cette allée, et donc à traverser la toile que l'araignée a patiemment construite pendant la nuit.

Il me faut ici saluer sa performance, il y a entre les deux extrémités de son ouvrage près d'un mètre, malheureusement la photo du dessus n'en rend pas vraiment compte, et c'est un crève-coeur de le vandaliser par l'effet de deux ou trois mouvements de bras, qui pourraient me faire passer pour un débile profond aux yeux de qui m'observerait de loin, me débattre ainsi dans le vide contre un adversaire invisible.

Au-delà de la question que je me pose de façon légitime en empruntant l'allée : ma locataire arachnide aura-t-elle enfin compris qu'elle devrait tisser ailleurs ? Je suis tenté d'interpréter son obstination comme un signe que m'enverrait une force bienveillante pour orienter mon comportement, améliorer mes attitudes ou points de vue face aux gens ou aux évènements, en les adaptant aux connaissances que l'âge venant, l'expérience transmet en douceur sans même que l'on s'en rende compte.

Je pourrais m'éviter ainsi des querelles inutiles, sur la route ou internet, modifier un défaut par le simple fait de le désigner, revoir certains aspects de mon fonctionnement dont j'ai déjà pu corriger les erreurs mais qu'à l'exemple de ma nouvelle compagne, cette araignée entêtée avec sa toile, je reconduis de manière indolente, comme pour m'accrocher à ce que je ne suis déjà plus.

D'une autre façon, je pourrais voir dans cette toile chaque matin renouvelée, une invitation à enlever toutes celles qu'une araignée intérieure a pris le temps d'installer dans toutes les zones de mon esprit dont je ne me sers pas, qui pourraient pourtant me rendre plus intelligent ou tout simplement meilleur.

Bref, si le dicton "les voyages forment la jeunesse" recèle quelque fondement, se rendre au bout du jardin me transmet aussi quelques leçons, et Voltaire aurait tout aussi bien pu faire dire à son Candide que non seulement "il faut cultiver son jardin", mais qu'il faut aussi le traverser.







vendredi 5 octobre 2012

SOIR D'ÉTÉ À MARSEILLE...

(c) Thierry B Audibert
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L'actualité marseillaise se déroule d'une telle façon ces derniers temps qu'elle offre l'impression à ceux qui en sont loin que la ville est en feu.

Personne ne peut raisonnablement nier la réalité des faits, ni même les adoucir par je ne sais quel discours qui justifierait la violence née de la misère et son corollaire, la course pitoyable et désordonnée vers l'argent. Ils s'accumulent jour après jour dessinant le portrait en creux d'une ville où le diable fait régner sa loi, où les balles sifflent, où les flics se livrent, comme ceux qu'ils devraient inlassablement pourchasser, aux pires trafics.

Pourtant, ici le calme règne. Sous le tumulte des embouteillages, des accrochages entre chauffards irascibles bloqués par des chauffeurs-livreurs stressés, des fausses engueulades aux comptoirs des vieux bistrots au sujet de l'OM, la ville apparait paisible, relâchée, indifférente.

Il nous est difficile de faire la part entre ce qui nous effraie de ce que nous découvrons de notre ville, quand on ne le savait pas déjà, et ce qui ne manque pas de nous faire rire, Marseille est sans doute la seule ville qui a réussi le mariage harmonieux de la comédie et de la tragédie car c'est bien par les prismes successifs de ces deux genres qu'il nous faut observer ces dealers qui se font racketter par des flics de la bac, ces flics qui méprisent la cocarde de leur uniforme, ces politiciens et syndicalistes corrompus et corrupteurs, ce gouvernement voulant faire croire à la France entière qu'il va tout remettre d'aplomb par l'énième nomination d'un préfet par-dessus un autre.

Cela ne nous empêche pas, du rom le plus misérable au gros bourgeois du Roucas Blanc, d'organiser et savourer ces petits moments de bonheur qui rejettent en arrière les difficultés et les peines qui obscurcissent nos parcours, nous donnant la force d'affronter ceux qui se présenteront demain. C'est ce que m'inspire cette photo prise un soir de cet été qui se termine, sur la terrasse suspendue et tranquille de l'appartement d'un ami, dans le coeur battant de la ville.

Car il est un fait qui ne cesse de nous étonner : malgré tout, il fait bon, vivre à Marseille.

jeudi 9 août 2012

MARSEILLE, MON AMOUR...

Marseille 6/08/2012 (c) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)




Le moindre discours sur Marseille assure l'échec à celui qui s'y risque, qu'il soit marseillais ou non. Je ne connais guère de ville qui échappe aussi fort aux idées même les plus complexes qu'elle fait naître pour qui se lance dans l'exercice périlleux de la cerner, aussi bien dans sa réalité du moment que dans le vertige de son histoire et les incertitudes de son avenir. Je serais tenté de penser qu'il existe autant de "Marseille" que de marseillais, et que chacun, même celui qui ne fait qu'un court passage à l'intérieur des courbes découpées de son littoral où se mêlent le blanc de la roche et l'azur de la méditerranée, n'attrape jamais qu'un lambeau de sa vérité et doit bien se garder de la réduire à ce ridicule fragment.

Elle recèle pourtant un extraordinaire pouvoir de fascination, d'irrésistible attirance ou au contraire de répulsion. Rarement ou jamais d'indifférence. Comment pourrions-nous expliquer un tel phénomène sans tomber à notre tour dans l'admiration béate ou le rejet revanchard qu'entraine souvent l'amour déçu, car par bien de ses aspects, il faudra au moins le reconnaitre, Marseille est décevante.

Par la nature même de sa constitution, avec le mariage de deux peuples, les ségobriges installés ici plusieurs siècles avant Jésus-Christ, avec les phocéens venus de la mer ionienne, à partir des noces sûrement légendaires entre Gyptis, la fille du roi Nann et Protis le chef de l'expédition phocéenne qui s'enfonça dans cette calanque profonde que fût le Vieux-Port avant qu'il ne devienne le centre de la ville, mais aussi par la lente agglomération des villages alentour, 111 ou 116, chacun y va de son chiffre, on entraperçoit ainsi la perspective d'une grossesse multiple dont chaque fruit apparait bien distinct tout en affichant une trompeuse ressemblance.

Il y a les marseillais de la mer et ceux de la campagne. Il y a les isolés indépendants qui se tiennent loin des dangers de la multitude, accrochés à leur lopin de terre, à l'écart ou sur les hauteurs, et il y a ceux qui vivent de l'échange de marchandises, d'informations, qui considèrent l'étranger comme une richesse à venir et ne se montrent pas contrariés par sa présence dans l'enceinte du port, ou sa persistance à s'installer.

Il semble qu'en chaque marseillais, et bien plus fort qu'en n'importe quel point de l'hexagone, réside un double-mouvement d'élan vers l'accueil et de tentation d'ignorer quand ce n'est pas de rejeter. Nous l'avons encore vu lors des dernières élections présidentielles, où Marine Le Pen fût crédité d'un excellent score au premier tour (je veux dire bien supérieur à la moyenne nationale), sans que cela n'empêche François Hollande de finir en tête au second.

Les nouveaux arrivants se montrent souvent étonnés par leurs difficultés à nouer de véritables liens avec la population locale en dehors de quelques relations superficielles issues du monde professionnel ou associatif, après avoir, un temps très court, fait l'objet de curiosité et d'apparente sympathie.

Cette ambiguïté interne au marseillais, cette dualité qui pourrait menacer son propre équilibre, le marseillais la projette également dans le jugement qu'il porte sur sa ville. À ceux qui dresseront de manière enthousiaste un tableau enjôleur de la capitale du sud, le marseillais cachera son plaisir de ce doux reflet tout en s'empressant de modérer ardemment ce qui lui apparait comme la description d'un dangereux mirage. Sa réaction sera différente et fiévreuse, pour ne pas dire énergique et ordurière auprès de celui qui sans ménagement livrera le récit de ses répulsions à l'égard d'une ville jugée méprisable.

A l'heure où la ville depuis bien longtemps se cherche un nouveau destin, quelle Marseille pouvons-nous souhaiter, nous qui la vivons comme une mère excessive et généreuse mais aussi, violente et tourmentée, alternant les ondes délicieuses et d'autres chargées de mille dangers ?

De quelle ville pouvons-nous rêver quand les travaux des sociologues, des économistes, des architectes les plus fous et géniaux, les politiques les plus décidés ne pourront jamais la canaliser, la contraindre à devenir ce qu'elle ne sera jamais, une ville droite, polie et policée, où chaque ignoble aspérité aurait disparu, la faisant apparaitre comme une vierge immaculée mais mortifère. Marseille, jamais ne pourra se laisser retirer sa passion, ses ardeurs et sa nonchalance. Marseille n'existe que dans sa multiplicité, dans ses rebellions séductrices. Certes, on pourra toujours par je ne sais quel nouveau procédé d'aménagement urbain, tenter d'effacer toute trace de misère, rejeter les pauvres à ses frontières, rien n'y fera. Et même si cela devait la conduire un jour à son écroulement. "Tu verras, un jour Marseille ce sera Beyrouth" me disait souvent mon père à la fin de sa vie. Et l'écrivain Gilles Ascaride, l'ami de mon ami Henri-Frédéric Blanc a intitulé l'un de ses romans : "Sur tes ruines, j'irai dansant" (à lire absolument aux éditions Le Fioupélan). Tous les scénaris sont possibles.

Mais au final, la ville trouvera son chemin toute seule, au mépris des règles et des convenances. Elle deviendra ainsi ce qu'elle est déjà : unique et irremplaçable, à la fois vivante et endormie, caressée par le soleil, l'eau, et le vent : Marseille, mon amour.

dimanche 29 juillet 2012

VERTIGE...

(c) Thierry B Audibert
Nice. Théâtre de l'Image et de la Photographie 26 juillet 2012
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)




De passage sur Nice, comme cela m'arrive deux fois par mois, je me suis enfin décidé à entrer dans une maison que je regrettais toujours de ne pas visiter.
Il s'agit du Théâtre de l'Image et de la Photographie.
C'est un très bel espace entièrement consacré à la Photo, avec des expositions permanentes de haut niveau, un charmant petit théâtre pour les conférences, une bibliothèque très honorable, avec possibilité de consultation de revues sur l'art, les plus récentes comme les plus anciennes. Un très beau lieu, très agréable, à quelques encâblures du Vieux-Nice.

Je n'avais pas vraiment de goût pour le travail du photographe exposé, mais j'ai tiré tout le plaisir de ma visite dès l'entrée, où trône une immense vitrine dans laquelle repose, en bon ordre, l'ensemble des appareils qui ont fait l'évolution technologique de cet art que représente la Photographie.

À la vérité, c'est un véritable vertige qui m'a saisi dans la contemplation de ces objets, la vibration très spéciale de l'histoire que dégageait chacun d'eux. J'imaginais leurs propriétaires, les milliers de scènes de joie qu'ils avaient captés, les mariages, les naissances, les baptèmes, combien de vies éclatantes sous leur regard dont ils avaient immortalisé les plus beaux instants, toujours dans l'espoir de la "belle photo", celle qui se transmettrait de génération en génération, jusqu'à ce que plus personne ne soit vraiment en mesure de mettre un nom, un rang familial à ce personnage, ou bien à celui-là. Car on peut reprendre sans morbidité cette idée que Cocteau et Godard ont émise, que la photo et le cinéma sont des façons de montrer la mort au travail.

Devant moi, ce jour-là, tous ces appareils qui semblaient comme au cimetière, m'ont laissé entrevoir toute la vie que des hommes et des femmes avaient fait passer à travers eux, me renvoyant une fois encore au côté dérisoire de nos existences, des avancées technologiques dans lesquelles nous ne voyons jamais que de fausses révolutions, des illusions que nos vies s'améliorent, nous rapprochent de l'éternité. Il n'en est rien.

A peu près n'importe qui peut aujourd'hui sortir une bonne photo, même par accident, cela rend fou pas mal de "techniciens" photographes passionnés, n'importe qui peut articuler un discours sur une production, et les points de vue ont beau diverger qualitativement, dans le fond et dans la forme, ils ne cessent malgré tout de s'égaliser effroyablement dans l'univers froid d'internet où un avis chasse l'autre.

Chacun peut facilement aujourd'hui envoyer son instantané à travers les réseaux sociaux, comme un clin d'oeil à l'autre, mais surtout pour lui signaler : je suis vivant, je montre à travers ce moment (un concert, un repas entre amis, un lieu de visite au cours d'un voyage) que j'existe vraiment, que ma vie n'est pas une illusion car je peux en extraire une partie et l'envoyer en différents points du monde.

Nous n'exprimons jamais que notre solitude.

De là sans doute ce vertige, devant cette vitrine, cette sensation très forte de rencontre, de frottement, entre tous les moments qui sont le sel de la vie qu'il nous faut partager, et le néant qui ne peut que les conclure et les recouvrir. Voilà de quoi bien rire quand un objectif se braque sur nous ou bien quand nous tentons plus ou moins consciemment de réaliser une oeuvre, familiale, ou artistique.

C'est tellement absurde !

dimanche 22 juillet 2012

RACINES...

Photographe inconnu




Il est toujours troublant de regarder une image du passé, surtout quand il s'agit de sa propre famille, et qu'on a connu personne. Personne, pas tout fait, le bambin à droite n'est autre que mon père. Cela me permet de dater la photo, 90 ans très exactement, l'année 1922. Il est dans les bras de sa mère, que j'ai peu connue, j'avais sept ans quand elle est morte et je ne l'ai pas souvent vue. Son mari se tient tout près de ce que j'imagine être une "batteuse", on est juste après la moisson, je dis çà mais j'en sais rien, il doit avoir quelque chose comme 27 ans, il en parait plus, la guerre de 14-18 est passée par là, il en est revenu vivant, c'est un miracle, avec la Croix de Guerre pour d'excellents états de service, mais aussi les poumons pourris par les gaz allemands qui précipiteront son décès quelques années plus tard. Sur les côtés, ce sont mes arrière-grand-parents.

Sont-ils heureux en ce jour ? Quelles sont leurs espérances ? Est-ce que la récolte était bonne ?
Ils sont sur les terres familiales, à Rougon, dans les Gorges du Verdon. Ils sont là depuis de nombreuses générations sans doute, à répéter les mêmes gestes pour assurer leur survie. Avec plaisir peut-être.

Ma grand-mère, qu'on me faisait appeler ainsi, "bonjour grand-mère", rêvait d'une autre vie, à la ville, l'exode rural avait largement commencé, les paysans s'imaginaient de meilleures conditions plus près des usines.
Elle a réussi à convaincre son mari, cinq ou six ans plus tard, d'entrer aux PTT grâce à son statut d'ancien combattant, prioritaire pour la fonction publique. Voilà comment cet homme fait et éduqué pour la campagne s'est retrouvé dans son premier poste de facteur dans le Nord, Dunkerque ou Calais, je ne sais plus. Il a fallu une intervention de quelqu'un de la famille, pour lui permettre de "redescendre" après un an là-bas, dans cet endroit sans soleil qui ajoutait à son malheur de ne plus travailler aux champs. Il me revient des vers de Victor Hugo : "heureux qui peut, au sein du vallon solitaire, naitre vivre et mourir sur le champ paternel". Ce ne fût pas son cas. J'imagine sa douleur pour ce renoncement, ce sacrifice pour l'amour de sa femme. Elle avait peut-être raison, Lucie. Je lui en ai voulu quand j'ai eu connaissance de cette histoire. Mais c'était peut-être une sage décision.

Marseille fût la nouvelle affectation de Léon. Lucie vint le rejoindre avec bonheur avec leur fils.

Mon père, Maurice avait donc sept ans quand il quitta les paysages rugueux mais grandioses de Rougon et des Gorges du Verdon. Ce fût pour lui un véritable arrachement. De là sans doute lui vint cette idée saugrenue, à 11 ans, d'entrer à l'école Courbet qui assurait la formation des futurs marins. Quitte à être déraciné autant flotter à la dérive, autour du monde.

Ainsi emporta-t-il avec lui tout au long de ses années de voyages, sur toutes les mers, sur tous les continents, dans la solitude de sa cabine, l'image à jamais intacte et vivante de ces moments enchantés de la vie des paysans, lui qui ne le fût jamais. Et je crois que c'est un étrange paradoxe que d'être resté si fortement relié à ses origines malgré un éloignement extrême et constant.

Il dût supporter avec peine la ruine progressive des maisons familiales. Tout le monde "là-haut" était mort, plus personne ne pouvait les entretenir. D'autant plus que les "vacanciers" qui prenaient villégiature dans le coin n'hésitaient pas à piller les lieux. Il parait que les amoureux squattaient les maisons. Il rêva qu'après sa retraite il remettrait tout en ordre. Il n'en eut pas vraiment l'énergie, ni l'argent. Il refusa de vendre le moindre lopin de terre légué par ses ancêtres. "vends tout, à Rougon" me dit-il pourtant sur son lit de mort, "j'ai voulu tout garder, cela n'a aucun sens, il faut tourner la page".

"Vends tout". Treize ans ont passé depuis son décès et je ne peux m'y résoudre. Je regarde cette photo de mes aïeuls dans l'attente d'un conseil, par delà la mort. Je suis incapable de me déterminer avec certitude. Et pourtant, eux semblent m'observer en disant :
"Bon, alors, tu fais quoi maintenant, tu viens ou tu restes à Marseille ?
- Pour l'instant je reste, je garde tout... et je vous aime !"

Surtout ne pas leur dire qu'au bout d'une heure de jardinage, j'ai mal partout pendant deux jours. Ils vont se moquer.

A quelques mètres de cet endroit se trouve une source à laquelle la famille doit beaucoup. C'est là que mon père m'a demandé, juste avant de mourir, de répartir ses cendres.

vendredi 20 juillet 2012

PARDON...PART D'OMBRE...

Le Monstre Intérieur (c) Thierry B Audibert



Un soir, sans disposition particulière, dans un hôtel sans âme, il ne m'a pas fallu plus de vingt minutes pour que naisse cet étrange texte sous mes doigts. Je n'avais pas la moindre idée de son contenu, même une seconde avant de frapper le premier mot. Un fantôme psychopathe l'a-t-il dicté à mon insu ? J'ignore en tout cas l'endroit de mon esprit où il a bien pu germer pour nourrir le personnage qui s'exprime ici, même si je connais ma propre violence, je suis loin de l'avoir évacuée. Par ailleurs, je ne sais pas vraiment de quoi je me sens coupable au point d'écrire une telle chose. Mais il faut accepter, et assumer le monstre au fond de soi. Je ne voyais pas ce que je pouvais faire de ce truc, alors je le livre là. Pourquoi pas après tout ?


"Gardez-le sous les yeux. Qu'il n'échappe à personne.
Il veut s'esquiver, comme une anguille. Nous glisser entre les doigts et nous narguer par la suite s'il réussit à s'en tirer. Nous le tenons, il le sait.
Il fait bien semblant de ne pas nous voir et il cherche la porte de sortie, le meilleur moyen de nous baiser, ce fils de pute. On ne lui laissera aucune chance, aucune. Je veux qu'il meure, à petits feux cet enculé, il ne s'échappera pas, mais laissez-le croire un peu qu'il va le faire. Pour voir sa frustration dans ses yeux, je désire juste lire sa défaite dans son regard quand il va comprendre que c'est fini. Combien de temps s'est-il écoulé depuis qu'on le traque et qu'il s'échappe et s'échappe encore, parce qu'il ne veut pas comprendre qu'il doit m'obéir, qu'il m'appartient, qu'il est simplement ma chose ce fils de pute et que je le coincerai un jour ? Ô que je veux qu'il souffre ce chien, ce miséreux de l'esprit, lui qui pense en posséder, rendez-vous compte combien il est prétentieux, hautain, alors que jamais personne n'a pu impunément m'échapper, moi qui n'aime tant châtier que ceux qui me méprisent.
Lui n'a fait que sous-estimer ma toute puissance, toujours, il n'a jamais cessé de me tourner le dos. Quand il ne me regardait pas par en-dessous. Mais qui est-il pour faire çà ?
C'est pour cette raison que je veux le punir plus que les autres, le déchiqueter progressivement pour qu'il souffre à chaque déchirure, qu'il souffre atrocément en imaginant qu'il souffrira sans fin, qu'il souffre jusqu'à prier pour hâter sa propre mort. Que je ferai tout pour retarder, comptez sur moi, je ne veux pas seulement qu'il pleure en expiation de tous ses péchés, je veux qu'il se vide devant moi, par la bouche, par le cul, je veux plein de monde autour de lui, du monde qui rie et qui lui balance de la merde fraiche dans le nez, dans les oreilles, que tout le monde ici lui envoie dans sa tronche de gros enculé toutes les gifles qu'il souhaite. Pas trop fort... qu'il ne meure pas trop vite.

Ne le laissez pas s'échapper. De toute façon il fatigue, il n'y croit plus lui-même, il a toujours manqué de caractère ce lâche, cet infâme trafiquant de sentiments. Il se persuade toujours de sa propre bonté, rendez-vous compte à quel menteur nous avons à faire. La race des plus dangereux, ceux qui peuvent s'autopersuader d'être à l'inverse de leur pitoyable nature, nous pourrions même nous apitoyer sur son sort, c'est presque touchant quelqu'un qui rêve de me tromper, qui s'est toujours débrouillé pour se donner le beau rôle et qui n'a jamais fait que trahir. Il m'a trahi à moi, ce chien, à moi, entendez tous, entendez-moi, il m'a trahi à moi putain, il a essayé de me niquer, putain, à moi, à moi mais attention... il vous a tous trahi aussi, à vous tous, que personne n'ose me dire qu'il ne le déteste pas. Personne. Et surtout, ne lui cherchez pas d'excuse, n'allez pas faire cette connerie de le comprendre, qu'il reste dans sa merde. C'est fini pour lui. Regardez sa figure, étudiez la bien, enregistrez les mouvements de son regard, comment il soupèse son interlocuteur, comment il évalue dans quelle case de son esprit pervers il doit vous classer et quel comportement il va adopter pour vous séduire, que vous soyez un homme ou une femme ou même un animal, oui, même les animaux il les a niqués ce fils de pute.

Il est foutu. Foutu. Foutu. Que j'aimerais le lui dire si je ne voulais pas retarder encore son châtiment. J'adore cette idée que sa fin est proche. Comme je savoure, comme je dors mieux depuis que je sais que son heure est arrivée, comme la vie est belle quand un traitre pareil se trouve sur le point d'être exécuté, après avoir été subtilement, atrocément torturé. Qu'il crève, qu'il crève, qu'il crève. Oh que je veux chanter sa mort, et je veux bien la chanter, attention, sérieux et tout, en plaçant ma voix, avec un vrai orchestre. Ah oui, çà je vais me le payer, un orchestre, de la joie et de la fête autour de son agonie... lente agonie, et on chantera tous. Je sens que je vais faire un tabac quand je le piétinerai comme une merde et que je chanterai en lui pissant dessus, et pas un petit pipi, non, un jet long et continu, interminable, même si je dois me retenir de pisser pendant une semaine, un jet lourd, chargé de toute ma haine sur les écorchures de sa tronche d'enculé. Pendant que vous danserez autour."

jeudi 19 juillet 2012

POUR MICHEL CRESPIN...

Gap Juillet 2012 (C) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)


Le métier que j'exerce me conduit vers Gap, capitale des Hautes-Alpes, une fois par mois.
Le rituel est immuable. Je gare la voiture sur le parking Desmichels, souvent plein. Puis j'achète un sandwich et une sucrerie (je sais, c'est pas bien) à la boulangerie du coin, avant de m'installer chez "Mimile" pour arroser le tout d'un panaché et d'un café.

Une fois sustenté, après avoir "checké" les mails, je traverse la place Alsace-Lorraine en contournant le bassin au bord duquel se trouve la statue en photo ci-dessus, oeuvre du sculpteur Cyril de la Patelière.

J'ai mis du temps à définir ce qui me gêne dans ce personnage qui attire le regard et les photographes.

Baptisée "la liseuse", sa position n'est guère naturelle en rapport de l'acte intime et fermé que constitue la lecture.
Et si on regarde la sculpture de face, comme ici, l'impression nous gagne qu'elle se contemple dans un miroir, dans l'attente d'une rencontre galante. Il faut se décaler de trois-quart pour constater qu'elle tient bien un petit livre dans sa main gauche.

Enfin, je m'enfonce dans la rue de France.
C'est là que j'ai croisé Michel Crespin pour la dernière fois.
Nous nous étions reconnus d'assez loin. Je revois très nettement son sourire discret et ses yeux rieurs qui semblaient parfois une défense. Le contact fût chaleureux.

Michel est l'un des meilleurs dessinateurs de BD de sa génération, reconnu et édité, gage de grande qualité dans les années 80, par "les humanoïdes associés".
Nous nous étions rencontrés dans mon autre vie, à Montélimar où j'étais libraire, il venait chaque année au festival de BD organisé par la ville, il y avait d'ailleurs rencontré sa compagne.

C'était un homme de regard et de peu de mots, un homme de la montagne, qu'il n'aimait guère quitter (St Bonnet, au-dessus de Gap). Il y cultivait le goût des personnages solitaires au courage et au coeur purs. Le trait de son dessin était aussi fin et délicat que la dentelle, épuré comme celui des maîtres japonais.

Nous nous connaissions peu, mais j'avais vu en lui une très belle âme qui me faisait regretter de ne le croiser plus souvent. Il me proposa lors de cette ultime rencontre, que je le prévienne de mon prochain passage sur Gap afin que nous déjeunions ensemble, un grand honneur car il ne donnait pas l'impression de chercher facilement le contact. Puis la vie a recouvert ce bel instant.

Je ne sais plus comment et quand j'ai appris sa mort, inexplicable, d'un coup, chez lui, il s'est écroulé, quelque temps après, quelques semaines, mois, années ? Ce que je sais, c'est que j'étais revenu sur Gap et que j'avais à chaque fois manqué de temps pour faire ce qui me tenait pourtant à coeur, parler, échanger avec lui, m'enrichir de cette présence que je continue de ressentir en descendant la rue de France, à Gap, bien des années après.

J'aimerais bien savoir ce qu'il aurait pensé, lui, de "la liseuse" assise au bord du bassin.

En s'approchant très près d'elle, on peut voir qu'elle lit l'histoire de Gap, et je trouve çà plutôt ringard.

J'aurais préféré que le sculpteur lui place dans la main gauche une des planches de Michel Crespin, c'eût été un hommage mérité à cet artiste profond et tellement attaché aux montagnes qui ceinturent la ville. Quelqu'un l'aurait sûrement piquée... elles sont trop belles !

Après avoir visité les libraires de Gap, que je salue ici amicalement, et qui me font toujours un bel accueil, je récupère ma voiture pour retrouver Marseille, sur le parking Desmichels... non... du Michel.
C'est le soir, il est presque vide, souvent il fait froid...


mardi 17 juillet 2012

DANSER !!!

Lion-sur-Mer (mai 2012) (c) Thierry B Audibert
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)



Rester vrai.
Laisser le corps parler.
Retrouver en soi le rythme primitif des danses tribales,
celui du ventre qui jadis nous porta.
Onduler comme des roseaux dans le vent,
se pénétrer des vibrations profondes de la terre,
les lui rendre en frappant des pieds.
Retrouver sa dimension cosmique,
au voisinage des étoiles,
le corps et les bras vers le ciel,
les yeux fermés comme en prière,
moine du dance-floor,
communier avec les danseurs autour,
les absents, les morts, les enfants à venir,
Rouler ses muscles sur les os,
pour se sentir plus vivant,
exorciser ses peurs,
tutoyer les dieux en les invitant à descendre,
et nager dans leur lumière,
danser dans le soir qui flamboie, la nuit sans fin,
jusqu'à ne plus sentir son corps, en a-pesanteur,
avec le sourire des fous,
danser, danser encore,
KEEP IT REAL

lundi 16 juillet 2012

RAMER...


Madeire (août 2010) (c) Thierry B Audibert
(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)



Ramer, comme sur une galère.
Sans rien connaitre du cap que d'autres ont fixé.
Le travail de nos bras exploité par une autorité sans faille qui nous contraint.
Ramer avec la sensation qu'il n'y aura d'autre fin que l'ultime voyage, celui pour lequel le corps sera inutile.

Ou bien ramer sans vitesse.
Se donner le temps d'avancer en découvrant l'espace, en interdépendance avec la nature.
Jouir de sa propre motricité, avec le sentiment agréable d'avoir reconquis sa liberté.
Glisser à son rythme sur la surface du monde, avec l'idée fugace, à défaut d'en faire le tour, de sentir ses pulsations, ses ondes subtiles.
Intense unité.

Comment rame-t-on dans notre vie chaque jour ? Avec labeur, la plupart du temps. Nous ramons car nous avançons parfois si peu, en regard de nos besoins impérieux et de ceux que programment nos désirs, car nos égos fixent le cap, toujours avides de nouveaux horizons, imposant aux corps comme aux âmes de dépasser sans cesse les limites de l'épuisement après des efforts absurdes.

Il se peut que nous ayons chaque jour le choix de notre manière de ramer, la contrainte, la laborieuse, qui sera subie durant la plus grande partie de la journée ne laissant à la fin qu'un corps "(c)ramé", pour lequel les moments de repos ne sont jamais suffisants, ou alors le pagayage en douceur, au rythme choisi, lent mais régulier, dans cette plénitude rayonnante qui dissimule tout effort, comme si pouvaient se fondre travail et loisir, contrainte et plaisir.

Mais la plupart d'entre nous, dépassés le plus souvent par ce que la vie, dans son déroulement imprévisible, avec ses accélérations, ses urgences et ses évitements, sont dépourvus de toute alternative, obligés de ramer pour rattraper le temps qui se dérobe.

La rame, c'est le (d)rame.
Et c'est pagaie...


vendredi 13 juillet 2012

CREUSER...

Île de Madeire (août 2010) (c) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)



J'ouvre ce nouveau blog pour porter ce que j'exprime de plus personnel vers ceux qui voudront bien rejoindre ces pages, si le hasard les y conduit.

Bienvenue à mon premier lecteur, et à ceux qui suivront... peut-être...

Je n'ai aucune idée du temps qui s'écoulera avant que je ne l'arrête, si je dois l'arrêter un jour.

Je ne sais pas encore à quel type de message je le destine.

Comme le personnage de la photo du dessus, je vais devoir creuser.

Ça commence maintenant.

J'ai le trac.

Creuser quoi au fait ? Le mystère insondable de la vie qui nous échappe ? Le tombeau de mes illusions perdues ? Ce que je cherche à dire se situe-t-il du côté de la joie ou du deuil ? Je n'en sais rien au fond. Devrai-je le savoir ? Je n'ai jamais pris la peine d'affronter les aspects funestes de mon esprit, mon obsession souterraine de la mort, le troublant va-et-viens de la peur de ma propre fin comme celle de mes semblables qui la reflètent, cette obstination à penser que tout acte est dérisoire, à commencer par l'écriture, que la pensée constitue un jeu inutile pour l'esprit, l'inénarrable solution qu'il a trouvé pour se mettre en orbite autour de son propre vide ?

Creuser, cette action n'a pas de sens, et voici que dans un blog titré spontanément : "Dans tous les sens", je comprends que je cherche à donner une forme au vide, et ainsi peut-être, m'entrainer à croire que je peux réussir là où les dieux ont lamentablement échoué.
Quelle ambition ! Quelle prétention dont je veux m'empresser de rire, appeler la moquerie sur ma personne toute entière, oyez, contemplez l'homme qui vous écrit, il croit sans doute être en mesure d'allumer les ténèbres, de tracer un chemin dans ce qui n'est pas, ne sera jamais, n'a jamais été. Riez donc comme il rie de lui-même.

Au fond, creuser c'est rire !

C'est décidé, pour l'instant, je continue.

Au fond, il n'y a pas de fond