mercredi 31 octobre 2012

MARC VELLA, LE FUNAMBULE DU CIEL

À gauche, Marc Vella au cours du repas que nous avons partagé cet été.



Le 21 novembre prochain, sortira aux éditions de La Providence (les bien nommées) un livre aérien, poétique, spirituel, signé Marc Vella : Le Funambule du Ciel.

Il s'agit d'un conte initiatique, genre difficile qui exige du lecteur qu'il se dépouille des aspects les plus lourds de sa raison, pour entrer dans un autre monde, un monde étrange où s'élargissent les frontières du possible au détriment de la triste réalité.

Pénétrer cette forme de récit pour en capter le charme et la saveur, demande bien plus que de l'intelligence ou de la sensibilité mais réclame rien de moins qu'une âme d'enfant, ce passeport pour le merveilleux, enfoui au plus profond de chaque adulte. Je viens d'ailleurs de relever ces mots de Schiller, extraits de son Don Carlos cités par C. Tauber en amorce de ses Entretiens avec CG Jung qui prolongent ce point de vue et je ne résiste pas à les reporter ici :

(...) Dites-le lui :
Qu'il ait du respect, quand il sera homme,
Pour les rêves de sa jeunesse, qu'il n'ouvre pas
Aux insectes mortels d'une raison trop vantée
Le coeur de la tendre fleur divine,
Qu'il ne se laisse pas
Égarer lorsque la sagesse de la poussière
Blasphèmera l'enthousiasme, cet enfant du ciel.

Aucun écrivain ne peut réussir dans cet exercice casse-gueule du conte initiatique s'il ne le trempe dans l'encre d'un coeur pur, généreux et noble.

Marc Vella, l'auteur de ce magique Funambule du Ciel est lui-même un personnage magnifique, extraordinaire, solaire.
Pianiste virtuose, Prix de Paris et surtout Prix de Rome en composition, il a choisi plutôt que de s'enfermer dans les ors et les velours des plus belles salles de concert du monde, de charger son piano à queue sur une remorque et de partir à la rencontre de l'Humanité dans toute sa beauté et sa diversité, au fin fond de l'Afrique ou de l'Orient, traversant ainsi plus de quarante pays.
Ceux qui le croisent sont vite saisis par sa grâce, la force de sa parole, la placidité de son regard, les vibrations palpables de son âme.
Par la magie du piano, sa capacité à révéler leur propre beauté à ceux qui en frappent les touches à ses côtés, Marc Vella a le don de reconnecter chacun avec sa source bienveillante.

Je ne saurai donc trop inviter ceux qui sont prêts à faire une belle expérience, de se lancer  à la découverte de ce funambule, fruit de la rencontre d'une larme et d'un silence, qui va chuter d'un fil tendu entre deux étoiles, dans un monde qui rappelle le nôtre, pour trouver un amour vrai, non possessif, après s'être extrait du "sans fond" grâce à la lumière d'un phare.
Ils seront, par cette lecture, en lien direct avec cette âme profonde qui a accouché cette histoire qui nous ressemble et nous rassemble.

La calligraphie de Bernard Camus donne à l'ensemble un surcroît de charme qui augmente encore plus la magie du récit.

  

jeudi 25 octobre 2012

samedi 20 octobre 2012

LA LUTTE, LA FUITE, ET LE MOMENT PRÉSENT...

(c) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)



Ce sont spontanément les idées de fuite et de bonheur qui s'insinuent dans mon esprit quand je médite sur cette photo.

Nos vies tiennent en équilibre subtil entre rêve et réalité, désir et contrainte, volonté et résignation.
Il est difficile d'arbitrer au plus profond de nous sur le chemin à prendre dans notre navigation intérieure, celle qui assure la meilleure synthèse de nos envies antagonistes, nos fausses nécessités, nos véritables aspirations.
Ce chemin, pour certains, est déjà une forme de destination.
Il pourrait s'appeler le bonheur.

Mais de quoi le bonheur serait-il l'aboutissement ?
De la fuite ou de l'affrontement ?
Faut-il passer par l'un et l'autre pour réaliser leur inutilité, et aboutir à la seule condition du bonheur, l'acceptation entière et totale qu'offre l'instant présent, dans le refuge au sein de notre propre source, là où se transforment les perceptions négatives ou positives ?
Encore faut-il au moins trouver le calme... après l'affrontement ou la fuite.

Longtemps, nous ne faisons que toucher ce bonheur, par séquences courtes que nous tentons de multiplier et d'accroitre, mais ce sont les déceptions qui se présentent au rendez-vous avec un sourire narquois.
Puis le temps vient patiner les attentes, il réoriente le regard, éclaircit la réalité au point de nous y faire apparaitre ce que l'on ne savait pas y voir, une plénitude nous gagne, juste le temps de se laisser apprécier, puis l'obscurité revient, comme la nuit succède à une belle journée.

Il faut recommencer...

Pour s'ouvrir la porte du bonheur il n'y a pas une clé pour tous. Mais une pour chacun.
Il se trouve autant d'humains que de serrures.
Bien menteur, ou chevalier de l'illusion, qui peut prétendre ouvrir à l'autre la porte de son accomplissement. Les maitres bouddhistes eux-mêmes ont la sagesse d'enjoindre celui qui cherche, à expérimenter leur enseignement, et juger seul de ce qui est bon pour lui.

Je ne peux que m'interroger avec humilité sans tomber dans l'exercice pontifiant d'asséner une vérité qui m'échappe aussi quand je crois la saisir, je me contenterais de citer deux auteurs auxquels je pense forcément quand je regarde cette photo. L'un était neurobiologiste, Henri Laborit, qui prend ici une métaphore maritime s'accordant bien avec la photo de ce billet, l'autre est philosophe, Clément Rosset, explique comment nous pouvons, non pas modifier la réalité, mais la faire glisser pour ne pas avoir à la supporter, car comme le fait dire Jean-Luc Godard à Fritz Lang qui joue son propre rôle dans Le Mépris : "Il faut supporter".


"Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l'arrière avec un minimum de toile.
La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l'horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qui ignoreront la chance apparente de suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies maritimes."
Henri Laborit Éloge de la fuite.

"Rien de plus fragile que la faculté humaine d'admettre la réalité, d'accepter sans réserves l'impérieuse prérogative du réel. Cette faculté se trouve si souvent prise en défaut qu'il semble raisonnable d'imaginer qu'elle n'implique pas la reconnaissance d'un droit imprescriptible - celui du réel à être perçu - mais figure plutôt une sorte de tolérance, conditionnelle et provisoire. Le réel n'est généralement admis que sous certaines conditions et seulement jusqu'à un certain point : s'il abuse et se montre déplaisant, la tolérance est suspendue. Un arrêt de perception met alors la conscience à l'abri de tout spectacle indésirable. Quant au réel, s'il insiste et tient absolument à être perçu, il pourra toujours aller se faire voir  ailleurs. Car dans l'illusion, la forme la plus courante de mise à l'écart du réel, il n'y a pas à signaler de refus de perception à proprement parler. La chose n'est pas niée : seulement déplacée, mise ailleurs."
Clément Rosset Le rél et son double.

Pour terminer, j'avais déjà publié cette photo sur un autre site, et je l'avais accompagnée du texte ci-dessous, duquel je ne retire pas un mot deux ans plus tard.

"Je prête beaucoup de mystères à l'acte de photographier.
Certains peuvent le concevoir comme une chose très simple qui consiste à isoler un morceau de réalité pour le fixer de manière définitive.
Je crois que j'aime les photos quand elles illustrent que leur auteur a trouvé une sorte de trou dans la réalité, quelque chose qui permet de voir à travers les apparences, et permet de leur échapper.
Il me semble que ce sont ces trous que je cherche, pour aller voir derrière les choses, dans leur vérité profonde.
Il est vrai que la plupart du temps, saisi par la paresse, je me contente d'enregistrer quelque chose qui m'interpelle en espérant que le hasard saura donner à la photo la vibration spéciale que j'en attends qui transforme la réalité.
Photographier est un excellent moyen de s'enfuir et de fixer le moment où on y parvient."



mardi 9 octobre 2012

LA TOILE D'ARAIGNÉE...

(c) Thierry B Audibert
Cliquer sur la photo pour agrandir




Depuis quelques jours, une araignée s'obstine à tisser sa toile dans l'allée de mon jardin qui mène de la maison vers le fond, où se tiennent aussi bien la petite maison que nous réservons aux amis ou à la famille, que deux cabanes de rangement ou le local à poubelle.

Il se trouve que je suis chaque matin le premier à emprunter cette allée, et donc à traverser la toile que l'araignée a patiemment construite pendant la nuit.

Il me faut ici saluer sa performance, il y a entre les deux extrémités de son ouvrage près d'un mètre, malheureusement la photo du dessus n'en rend pas vraiment compte, et c'est un crève-coeur de le vandaliser par l'effet de deux ou trois mouvements de bras, qui pourraient me faire passer pour un débile profond aux yeux de qui m'observerait de loin, me débattre ainsi dans le vide contre un adversaire invisible.

Au-delà de la question que je me pose de façon légitime en empruntant l'allée : ma locataire arachnide aura-t-elle enfin compris qu'elle devrait tisser ailleurs ? Je suis tenté d'interpréter son obstination comme un signe que m'enverrait une force bienveillante pour orienter mon comportement, améliorer mes attitudes ou points de vue face aux gens ou aux évènements, en les adaptant aux connaissances que l'âge venant, l'expérience transmet en douceur sans même que l'on s'en rende compte.

Je pourrais m'éviter ainsi des querelles inutiles, sur la route ou internet, modifier un défaut par le simple fait de le désigner, revoir certains aspects de mon fonctionnement dont j'ai déjà pu corriger les erreurs mais qu'à l'exemple de ma nouvelle compagne, cette araignée entêtée avec sa toile, je reconduis de manière indolente, comme pour m'accrocher à ce que je ne suis déjà plus.

D'une autre façon, je pourrais voir dans cette toile chaque matin renouvelée, une invitation à enlever toutes celles qu'une araignée intérieure a pris le temps d'installer dans toutes les zones de mon esprit dont je ne me sers pas, qui pourraient pourtant me rendre plus intelligent ou tout simplement meilleur.

Bref, si le dicton "les voyages forment la jeunesse" recèle quelque fondement, se rendre au bout du jardin me transmet aussi quelques leçons, et Voltaire aurait tout aussi bien pu faire dire à son Candide que non seulement "il faut cultiver son jardin", mais qu'il faut aussi le traverser.







vendredi 5 octobre 2012

SOIR D'ÉTÉ À MARSEILLE...

(c) Thierry B Audibert
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L'actualité marseillaise se déroule d'une telle façon ces derniers temps qu'elle offre l'impression à ceux qui en sont loin que la ville est en feu.

Personne ne peut raisonnablement nier la réalité des faits, ni même les adoucir par je ne sais quel discours qui justifierait la violence née de la misère et son corollaire, la course pitoyable et désordonnée vers l'argent. Ils s'accumulent jour après jour dessinant le portrait en creux d'une ville où le diable fait régner sa loi, où les balles sifflent, où les flics se livrent, comme ceux qu'ils devraient inlassablement pourchasser, aux pires trafics.

Pourtant, ici le calme règne. Sous le tumulte des embouteillages, des accrochages entre chauffards irascibles bloqués par des chauffeurs-livreurs stressés, des fausses engueulades aux comptoirs des vieux bistrots au sujet de l'OM, la ville apparait paisible, relâchée, indifférente.

Il nous est difficile de faire la part entre ce qui nous effraie de ce que nous découvrons de notre ville, quand on ne le savait pas déjà, et ce qui ne manque pas de nous faire rire, Marseille est sans doute la seule ville qui a réussi le mariage harmonieux de la comédie et de la tragédie car c'est bien par les prismes successifs de ces deux genres qu'il nous faut observer ces dealers qui se font racketter par des flics de la bac, ces flics qui méprisent la cocarde de leur uniforme, ces politiciens et syndicalistes corrompus et corrupteurs, ce gouvernement voulant faire croire à la France entière qu'il va tout remettre d'aplomb par l'énième nomination d'un préfet par-dessus un autre.

Cela ne nous empêche pas, du rom le plus misérable au gros bourgeois du Roucas Blanc, d'organiser et savourer ces petits moments de bonheur qui rejettent en arrière les difficultés et les peines qui obscurcissent nos parcours, nous donnant la force d'affronter ceux qui se présenteront demain. C'est ce que m'inspire cette photo prise un soir de cet été qui se termine, sur la terrasse suspendue et tranquille de l'appartement d'un ami, dans le coeur battant de la ville.

Car il est un fait qui ne cesse de nous étonner : malgré tout, il fait bon, vivre à Marseille.