samedi 27 janvier 2018

QUARTIERS NORD, MONUMENT DE LA SCÈNE MARSEILLAISE !!!



Le groupe Quartiers Nord fêtait ce vendredi et samedi 26 et 27 janvier 2018 ses 40 ans d’existence au théâtre Toursky, lieu magique et vibrant qui a servi d’écrin à toutes ses productions depuis tant d’années. Ceux qui se seront donnés la grande chance d’être présents dans ce moment exceptionnel, loin de résonner comme un bilan, auront assisté à un spectacle plein mené à un rythme infernal, tirant une putain d’énergie de toutes ces années défilant parfois sur l’écran qui surplombait le fond de scène. Capables d’un rock puissant et électrisant comme de mélodies entraînantes, certaines devenues des tubes issus de leurs opérettes-rock, un genre dont la postérité les désignera à jamais comme les inventeurs, Quartiers Nord a déroulé tout le spectre plein de relief de son registre si singulier, avec ses textes sans concession à l’humour jubilatoire. Il fallait être jobard, il y a 40 ans pour décider de ne chanter cette musique qui a inondé le monde à partir des années 50, ni en anglais sa langue originelle, ni en français, tellement fade, mais en marseillais, avec ses mots terribles, épicés, violents et rebelles. Ce langage traverse tous les morceaux, il les tient en équilibre entre rage, rire et poésie, il vient des quartiers populaires de la ville dont les tous les membres sont issus, il vient du caniveau dans lequel les puissants maintiennent les plus faibles, c’est à partir de là que Quartiers Nord a bâti son répertoire et ce n’est pas un hasard si la chanson par laquelle Rock, l’un des leaders historiques du groupe, jean serré et poitrine nue sous un blouson de cuir, attaquait ce concert monumental avec Incrusté dans un WC :
« J’habite un vieux WC, dans une cour désaffectée, perché sur le flotteur d’une chasse d’eau bouchée, infect et fétide, bourré de tous les vices, je me proclame Roi de tous les parasites. »
Il enchaînait avec « Pré-Hu’ » quasiment une façon d’assumer pleinement sa place de dinosaure du rock, ce genre musical dont les jeunes des quartiers se détourne au profit du Rap : « Moi je suis le dernier vivant d’une ère terrassée, Pré-Hu’, Pré-Hu’, je tiens à ce statut ». Et puis ce fut le rire avec l’arrivée comme deux bras cassés des vieux complices, Tonton et Fred Achard, pour un tonitruant One again a fly qui sans ambiguïté annonçait à la face du peuple que le groupe plus que jamais soudé humainement, vocalement, musicalement, allait remettre çà sans vergogne et sans modération, c’était beau, c’était pêchu et toute la salle, pleine à craquer, il faut le souligner, bascula dans les folies de la jeunesse, de l’inconscience et de la rébellion. Ce fût non stop jusqu’au bout et j’arrêterai là l’inventaire de ce qui suivit, tant pis pour les absents. Et il faut dire avant d’aller plus loin toute la beauté de l’ensemble musical dirigé par l’autre leader, Loize (Alain Chiarazzo), un des meilleurs guitaristes français, voire européen, soutenu par John Massa, énorme au saxo, et tous les autres. Quartiers Nord est un monument du patrimoine musical et littéraire marseillais. Ainsi devrait penser tout marseillais qui se respecte. À celui qui m’objecterait que je n’ai pas à me hisser en arbitre du bon ou du mauvais goût je répondrais qu’il regarde bien alors qui il est et d’où il vient et s’il est marseillais, ce que ça veut dire pour lui quand il n’assume pas la vulgarité, le mauvais goût, l’irrévérence, certes parfois pénible, mais aussi la poésie et le rire ainsi que la révolte dont nous sommes ici tous porteurs à des niveaux très différents, sans oublier la mauvaise foi et l’excès... Quartiers Nord est à placer irrémédiablement à côté de Pagnol, sous son bienveillant patronage, tout comme Joe Corbeau et les Massilia Sound System, avec Vincent Scotto et Sarvil. Rock (Robert Rossi), Tonton (Gilbert Donzel) personnage atypique qui n’a aucun équivalent sur la scène française, Fred Achard, sûrement l’artiste de scène le plus complet que nous ayons, sont les dignes enfants d’Alibert, de Fernandel, Charpin, Blavette, Rellys, Andrex. Ils sont porteurs du même génie de la distance et de la légèreté déjantée, ils proviennent des mêmes entrailles du peuple d’en-bas. Ce serait une grave faute pour nos contemporains de ne pas reconnaître dans leur grande majorité le caractère emblématique que leur octroie déjà plusieurs milliers de personnes dans notre région, ce serait une grossière erreur de ne pas les accompagner et les soutenir comme le firent encore ceux qui assistèrent à ces deux concerts d’anniversaire. « Il me manque des morceaux » disait un homme devant moi à sa compagne, « ils ont pas fait Engatse sur le 31 ». Un autre plus loin se plaignait de l’absence de Partouze à six à minuit moins dix. Je regardai alors ma montre qui affichait cette heure jouissive. Le concert avait plus que largement passé les deux heures et tout le monde était encore dans les vapeurs du plaisir. Tu en connais beaucoup des concerts où tu as envie de remercier chaleureusement les acteurs à la fin ? Moi non, et pourtant je sors pas mal.

Là-haut, il y a une petite vidéo du début du final, jusqu’à ce que la mémoire de mon tél me lâche... et merde, j’aurais bien tout filmé jusqu’au bout. Il faudra surveiller les morceaux tirés de la captation vidéo qui se faisait parallèlement, mais plus que tout, Quartiers Nord se produit régulièrement dans toute la région, ne les manquez sous aucun prétexte, ils vous parlent de vous, de vos tripes, enfin, de Nos pieds-paquets à la marseillaise.