dimanche 29 juillet 2012

VERTIGE...

(c) Thierry B Audibert
Nice. Théâtre de l'Image et de la Photographie 26 juillet 2012
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)




De passage sur Nice, comme cela m'arrive deux fois par mois, je me suis enfin décidé à entrer dans une maison que je regrettais toujours de ne pas visiter.
Il s'agit du Théâtre de l'Image et de la Photographie.
C'est un très bel espace entièrement consacré à la Photo, avec des expositions permanentes de haut niveau, un charmant petit théâtre pour les conférences, une bibliothèque très honorable, avec possibilité de consultation de revues sur l'art, les plus récentes comme les plus anciennes. Un très beau lieu, très agréable, à quelques encâblures du Vieux-Nice.

Je n'avais pas vraiment de goût pour le travail du photographe exposé, mais j'ai tiré tout le plaisir de ma visite dès l'entrée, où trône une immense vitrine dans laquelle repose, en bon ordre, l'ensemble des appareils qui ont fait l'évolution technologique de cet art que représente la Photographie.

À la vérité, c'est un véritable vertige qui m'a saisi dans la contemplation de ces objets, la vibration très spéciale de l'histoire que dégageait chacun d'eux. J'imaginais leurs propriétaires, les milliers de scènes de joie qu'ils avaient captés, les mariages, les naissances, les baptèmes, combien de vies éclatantes sous leur regard dont ils avaient immortalisé les plus beaux instants, toujours dans l'espoir de la "belle photo", celle qui se transmettrait de génération en génération, jusqu'à ce que plus personne ne soit vraiment en mesure de mettre un nom, un rang familial à ce personnage, ou bien à celui-là. Car on peut reprendre sans morbidité cette idée que Cocteau et Godard ont émise, que la photo et le cinéma sont des façons de montrer la mort au travail.

Devant moi, ce jour-là, tous ces appareils qui semblaient comme au cimetière, m'ont laissé entrevoir toute la vie que des hommes et des femmes avaient fait passer à travers eux, me renvoyant une fois encore au côté dérisoire de nos existences, des avancées technologiques dans lesquelles nous ne voyons jamais que de fausses révolutions, des illusions que nos vies s'améliorent, nous rapprochent de l'éternité. Il n'en est rien.

A peu près n'importe qui peut aujourd'hui sortir une bonne photo, même par accident, cela rend fou pas mal de "techniciens" photographes passionnés, n'importe qui peut articuler un discours sur une production, et les points de vue ont beau diverger qualitativement, dans le fond et dans la forme, ils ne cessent malgré tout de s'égaliser effroyablement dans l'univers froid d'internet où un avis chasse l'autre.

Chacun peut facilement aujourd'hui envoyer son instantané à travers les réseaux sociaux, comme un clin d'oeil à l'autre, mais surtout pour lui signaler : je suis vivant, je montre à travers ce moment (un concert, un repas entre amis, un lieu de visite au cours d'un voyage) que j'existe vraiment, que ma vie n'est pas une illusion car je peux en extraire une partie et l'envoyer en différents points du monde.

Nous n'exprimons jamais que notre solitude.

De là sans doute ce vertige, devant cette vitrine, cette sensation très forte de rencontre, de frottement, entre tous les moments qui sont le sel de la vie qu'il nous faut partager, et le néant qui ne peut que les conclure et les recouvrir. Voilà de quoi bien rire quand un objectif se braque sur nous ou bien quand nous tentons plus ou moins consciemment de réaliser une oeuvre, familiale, ou artistique.

C'est tellement absurde !

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