jeudi 19 juillet 2012

POUR MICHEL CRESPIN...

Gap Juillet 2012 (C) Thierry B Audibert
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)


Le métier que j'exerce me conduit vers Gap, capitale des Hautes-Alpes, une fois par mois.
Le rituel est immuable. Je gare la voiture sur le parking Desmichels, souvent plein. Puis j'achète un sandwich et une sucrerie (je sais, c'est pas bien) à la boulangerie du coin, avant de m'installer chez "Mimile" pour arroser le tout d'un panaché et d'un café.

Une fois sustenté, après avoir "checké" les mails, je traverse la place Alsace-Lorraine en contournant le bassin au bord duquel se trouve la statue en photo ci-dessus, oeuvre du sculpteur Cyril de la Patelière.

J'ai mis du temps à définir ce qui me gêne dans ce personnage qui attire le regard et les photographes.

Baptisée "la liseuse", sa position n'est guère naturelle en rapport de l'acte intime et fermé que constitue la lecture.
Et si on regarde la sculpture de face, comme ici, l'impression nous gagne qu'elle se contemple dans un miroir, dans l'attente d'une rencontre galante. Il faut se décaler de trois-quart pour constater qu'elle tient bien un petit livre dans sa main gauche.

Enfin, je m'enfonce dans la rue de France.
C'est là que j'ai croisé Michel Crespin pour la dernière fois.
Nous nous étions reconnus d'assez loin. Je revois très nettement son sourire discret et ses yeux rieurs qui semblaient parfois une défense. Le contact fût chaleureux.

Michel est l'un des meilleurs dessinateurs de BD de sa génération, reconnu et édité, gage de grande qualité dans les années 80, par "les humanoïdes associés".
Nous nous étions rencontrés dans mon autre vie, à Montélimar où j'étais libraire, il venait chaque année au festival de BD organisé par la ville, il y avait d'ailleurs rencontré sa compagne.

C'était un homme de regard et de peu de mots, un homme de la montagne, qu'il n'aimait guère quitter (St Bonnet, au-dessus de Gap). Il y cultivait le goût des personnages solitaires au courage et au coeur purs. Le trait de son dessin était aussi fin et délicat que la dentelle, épuré comme celui des maîtres japonais.

Nous nous connaissions peu, mais j'avais vu en lui une très belle âme qui me faisait regretter de ne le croiser plus souvent. Il me proposa lors de cette ultime rencontre, que je le prévienne de mon prochain passage sur Gap afin que nous déjeunions ensemble, un grand honneur car il ne donnait pas l'impression de chercher facilement le contact. Puis la vie a recouvert ce bel instant.

Je ne sais plus comment et quand j'ai appris sa mort, inexplicable, d'un coup, chez lui, il s'est écroulé, quelque temps après, quelques semaines, mois, années ? Ce que je sais, c'est que j'étais revenu sur Gap et que j'avais à chaque fois manqué de temps pour faire ce qui me tenait pourtant à coeur, parler, échanger avec lui, m'enrichir de cette présence que je continue de ressentir en descendant la rue de France, à Gap, bien des années après.

J'aimerais bien savoir ce qu'il aurait pensé, lui, de "la liseuse" assise au bord du bassin.

En s'approchant très près d'elle, on peut voir qu'elle lit l'histoire de Gap, et je trouve çà plutôt ringard.

J'aurais préféré que le sculpteur lui place dans la main gauche une des planches de Michel Crespin, c'eût été un hommage mérité à cet artiste profond et tellement attaché aux montagnes qui ceinturent la ville. Quelqu'un l'aurait sûrement piquée... elles sont trop belles !

Après avoir visité les libraires de Gap, que je salue ici amicalement, et qui me font toujours un bel accueil, je récupère ma voiture pour retrouver Marseille, sur le parking Desmichels... non... du Michel.
C'est le soir, il est presque vide, souvent il fait froid...


2 commentaires:

  1. très bel hommage à ce grand artiste du neuvième art , auquel il a su y ajouter tant de choses , qui , malheureusement , n'ont pas fait école .
    j'ai crée un site/blog sur son travail et espère toujours sortir une monographie de cet homme et de son apport à la bande dessinée . merci encore !
    on trouve le site/blog en tapant : crespindemarseilafaust .

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  2. Je ne découvre votre message qu'aujourd'hui, en même temps que je vous prie de m'en excuser je vous remercie pour votre commentaire. Il va de soi que je soutiendrai à mon modeste niveau votre initiative si vous la poussez au bout.

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