lundi 3 avril 2017

MADEMOISELLE ESPÉRANCE


C'est en clôture du 4e festival d'Overlittérature, se tenant biennalement dans la ville de Septèmes, qu'était présenté hier pour la première fois la pièce de Gilles Ascaride Mademoiselle Espérance, et autant prévenir le lecteur qui passe par ici, je ne suis pas sûr d'être capable de restituer le très beau moment d'émotion que nous avons eu la chance d'y vivre. Parce qu'à dire vrai, si nous n'avions aucun doute sur la qualité de ce qui nous serait proposé nous ne pensions pas qu'elle atteindrait ce niveau de perfection dans la combinaison de l'écriture, du thème, de la mise en scène et de l'interprétation, bref de tout ce qui concourt à la réussite d'une œuvre théâtrale et comme c'est le cas ici, d'un véritable petit bijou. Il est bien sûr inutile de se laisser aller à la maladresse élogieuse, souvent improductive, surtout quand il faut s'efforcer à la concision dans ce monde numérique qui ne supporte pas la longueur. Il est temps d'être factuel, soit. La pièce se déroule dans la chambre d'une maison de retraite, celle de Madame Eugénie qui raconte à un infirmier musicien comment elle est devenue Mademoiselle Espérance, vedette du Music-Hall marseillais. Alors, dit comme çà, ce n'est pas forcément très sexy, d'autant que rien ne nous est épargné des outrances de la vieillesse, mais c'est un formidable prétexte pour Gilles Ascaride qui écrit ici un rôle de femme de caractère qui lui ressemble, tout à la fois cabotine, généreuse, excessive, susceptible et authentique. "Eugénie Graziani, c'est moi" semble-t-il nous dire malicieusement. C'est une pièce qui parle de la mémoire et des chansons populaires, qui mieux que n'importe quelle œuvre fixent l'air du temps et savent si bien le restituer tout en libérant les émotions jadis générées. C'est une pièce qui évoque la période de l'avant-guerre, que le Music-Hall aidait à rendre plus légère car on y riait beaucoup, elle se termine avec le bruit des trains emportant les juifs pour un aller-simple vers l'enfer des camps de la mort. Une pièce totalement marseillaise mais qui résonnera dans l'esprit de tous, d'ici ou d'ailleurs, l'accent et les expressions d'Eugénie l'inscrivent profondément dans ce mouvement Overlittérature qui s'adresse à l'univers à partir de Marseille, dont Ascaride s'est autoproclamé le Roi... à juste titre. Et puis, parce qu'un texte de théâtre ne prend toute son amplitude que lorsque les comédiens ont l'art de lui donner la vie, soulignons à l'encre rouge la formidable performance d'Edwige Pellissier qui, sous un masque rappelant la comedia dell'arte, chante, danse, s'enivre dans le corps en bout de course d'Eugénie. Formidable interprétation qu'elle livre ici, bien soutenue par son partenaire Bernard Ariu dont le travail se révèle précieux par la musique et l'humanité qu'il donne à son personnage. On insistera aussi sur la mise en scène soignée de Julien Asselin qui découpe parfaitement chaque séquence, les déplacements sont tous justifiés et renforcent la cohésion de l'ensemble. Une totale réussite que cette Mademoiselle Espérance dont il serait tout à fait scandaleux qu'aucun théâtre marseillais ne la programme pour donner au public l'occasion de la savourer. Attention, chef d'œuvre serais-je même tenté de dire, mais comme il y aura toujours deux ou trois couillesti qui se demanderont pour qui je me prends à sortir des choses pareilles, je préfère le dire en langage overlittéraire, que cette pièce c'est comme quand ton partenaire te fait un carreau en place à 12-12 sur la dernière boule, ou comme quand un joueur de l'OM de vingt-cinq mètres t'expédie un boulet de canon en pleine lucarne que ça te décolle du fauteuil, d'ailleurs la petite qui joue, pour de bon c'est un canon, comme quand il te vient le gonfle devant les plus grands films, que tu ris et pleures dans le même mouvement, car nous sommes nombreux à y être allé d'une belle larmette... ma parole, le gonfle... et puis voilà, vous m'avez gonflé, vous aviez qu'à être là. Ou alors, allez la voir cet été à Avignon cette Mademoiselle Espérance si vous ne me croyez pas. Voilà, vé ! Sas que... 
Ci-dessous les coordonnées pour Avignon.  

      




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