lundi 16 mars 2015

L'ÉTRANGE UNIVERS DE MANUEL LAVAL

Home sweet home
(c) Manuel Laval
Qu'en est-il du sexe dans l'art aujourd'hui et de l'expression érotique par laquelle certains créateurs tracent leur démarche ?
Si on peut penser que tout ce qui pouvait se montrer du corps et des mélanges des corps l'a été, en peinture, en photo, en couleur ou en noir et blanc, sous tous les éclairages possibles, quel discours nouveau l'art peut-il encore produire aux frontières du sexe brut, de l'érotisme et de la pornographie, susceptible de déboucher sur d'autres sens (cela peut s'entendre dans toutes les significations du mot), sur d'autres lectures, sur des émotions neuves.
C'est avec une curiosité toujours renouvelée que je suis depuis plusieurs mois le travail de Manuel Laval à travers ce qu'il publie sur le site Tumblr sous le titre "eroticcuboid".
On y voit se dérouler une étrange suite photographique, des cadres dans lesquels habitent des personnages nus, un peuple assimilable à des esprits de la nature reclus dans le dernier refuge où la liberté de délirer demeurerait possible, peut-être des membres d'un club échangiste condamnés à ne plus sortir de ce lieu même après la fête. Car c'est un monde joyeux et déjanté que place ce créateur allemand devant son objectif, un monde qui se serait extrait de l'Enfer de Dante ou des tableaux de Jérôme Bosch ou bien du Rocky Horror Picture Show, un monde dont on ne comprend pas facilement ce qui l'anime, sans passé et sans avenir, pris dans des situations absurdes dont le sens ne se laisse pas facilement saisir, s'il y en a un, une infinité d'interprétations se proposent à qui voudrait décoder ce bien mystérieux tarot onirique aux multiples lames colorées, parfois mythologiques dans lesquelles peuvent se percevoir les références à Tinguely ou Escher.
Chess Loser
(c) Manuel Laval

Manuel Laval prend un malin plaisir à déconstruire les codes de la photo érotique, il en emploie tous les éléments en les déconnectant de leur maléfique et troublant pouvoir d'attraction, ce qui peut faire penser que cet univers insensé est aussi insensuel. Tous les naturistes savent que la nudité n'est pas (forcément) sexuelle et il est ici question de l'utiliser pour combattre toutes les formes de tabous. Il est possible toutefois que ces photos soient uniquement perçues sous un angle provocateur et subversif. Nous sommes peut-être face à une tentative "naïve" de montrer des personnages qui essaient de transformer l'univers structuré et rationnel dans lequel une organisation sociale extérieure (qu'ils ont rejetée, mais cela peut aussi être le contraire) s'est efforcé de les contraindre. Ils se sont en tout cas débarrassés de toutes les marques par lesquelles se note la représentation sociale. Ils évoluent dans un au-delà du désir et de la fantasmatique, un au-delà de la consommation dont ils détournent les oripeaux qui traînent encore dans le cadre. Nous contemplons des modèles qui nous regardent parfois d'un air malicieux, ravis de participer à ce jubilatoire délire, il est du reste plaisant de noter ici que personne ne se prend au sérieux. Manuel Laval n'utilise pas de modèles professionnels, ce sont des amis qui en toute confiance viennent inscrire leur présence, leur corps dans son univers créatif et onirique. Il peut être intéressant de poser ces photos les unes à côté des autres pour débusquer ce qui peut les relier plus encore, tenter de voir comment de l'une à l'autre les interprétations peuvent se renforcer ou s'opposer, mais il est clair qu'à travers leur profusion et la régularité de leur production, la paradoxale unité de leur diversité, on perçoit l'existence d'une véritable obsession artistique dans le travail de ce créateur que je vous invite à découvrir, tout en étant curieux de savoir si vous partagerez mes perceptions.
http://eroticcuboid.tumblr.com

7+Traces on the Belly
(c) Manuel Laval
Best rest
(c) Manuel Laval
"t". (c) Manuel Laval





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire